Témoignage historique

À quoi pensaient-ils tous, agenouillés devant l’autel, alors qu’ils étaient tenus prisonniers, en pleine Révolution, au palais des Tuileries ? Ce tableau tout récemment acquis ne peut que frapper l’imagination.

La Messe de la famille royale aux Tuileries, par Hubert Robert (1733-1808), 1791. Huile sur toile, H. 37 ; L. 46 cm, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, V. 2023.3. © EPV / Christophe Fouin.

La Messe de la famille royale aux Tuileries vient de rejoindre l’importante collection de peintures de l’époque révolutionnaire conservées au château de Versailles. Cette œuvre – exceptionnelle par son sujet et par son auteur, Hubert Robert (1733-1808) – l’est également par sa première propriétaire, madame Du Barry, qui manifesta toujours un goût affirmé et sûr pour les arts. Loin de tenir rigueur à Louis XVI de l’avoir éloignée de la Cour, cette dernière garda un attachement viscéral à la monarchie et au descendant de son royal amant. Le tableau figurait dans l’inventaire établi lors de la saisie de ses biens en 1793. Un créancier de l’État, l’entreprise Benjamin Frères et Cie, le reçut en compensation de fournitures en 1797. Par la suite, il passa d’une collection particulière à une autre, avant d’intégrer, au XXe siècle, celle d’une prestigieuse famille.

La Messe de la famille royale aux Tuileries [détail des tapisseries], par Hubert Robert (1733-1808), 1791. Huile sur toile, H. 37 ; L. 46 cm, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, V. 2023.3. © EPV / Christophe Fouin.

Un document remarquable

L’œuvre constitue un document historique : elle montre la famille royale, pendant sa captivité, lors d’une messe au palais des Tuileries. L’office se déroule dans la galerie de Diane, représentée dans son état des années 1790, ornée de tapisseries tissées d’après Adam-Frans Van der Meulen (1632-1690) ; celles-ci racontent de célèbres conquêtes de Louis XIV. Les postures des corps agenouillés à leur prie-Dieu participent de l’atmosphère de ferveur et contrastent avec la superbe des batailles de Louis le Grand. Des années de gloire au déclin de la monarchie, on mesure la charge dramatique de cette toile.

La Messe de la famille royale aux Tuileries [détail], par Hubert Robert (1733-1808), 1791. Huile sur toile, H. 37 ; L. 46 cm, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. © EPV / Christophe Fouin.

Les personnages

La Messe de la famille royale aux Tuileries [détail], par Hubert Robert (1733-1808), 1791. Huile sur toile, H. 37 ; L. 46 cm, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, V. 2023.3. © EPV / Christophe Fouin.

Dans de nombreuses œuvres d’Hubert Robert, les personnages apportent une note pittoresque ou mettent en valeur décors et paysages. Ici, le peintre est plus attentif à ses figures, dont les principales sont parfaitement reconnaissables. On distingue, de gauche à droite et de trois quarts dos, Madame Élisabeth, sœur de Louis XVI, le dauphin Louis Joseph Xavier, Marie-Antoinette, son époux le roi, et leur fille Madame Royale. Chacun tient son livre de messe. Les autres personnages sont plus difficiles à identifier ; il s’agit peut-être, près de Madame Royale, de la princesse de Lamballe, surintendante de la Maison de la reine. Derrière le dauphin peuvent se trouver la marquise de Tourzel, gouvernante des Enfants de France, sa fille Pauline à ses côtés, et madame de Fitte de Soucy, baronne de Mackau, sous-gouvernante des enfants royaux. On peut encore supposer la présence de la marquise d’Ossun, dame d’atours de la reine. Quant au personnage de dos, bâton en main, ce ne peut être que le marquis de Dreux-Brézé, Grand maître des cérémonies. La messe se tient en présence d’un officier de la Garde nationale, qui porte la cocarde tricolore. Enfin, est-ce l’abbé d’Avaux qui officie ?

 

« La précision du témoignage laisse à penser que le peintre a pu assister à cet office. La proximité de l’artiste avec Louis XVI le permettait. »

« Œuvre d’intérêt patrimonial majeur »

Une copie d’époque (collection particulière) accompagnée d’une légende indique le jour de cette messe : la Pentecôte de l’année 1791. Cette hypothèse est étayée par la chasuble rouge du prêtre, qui symbolise les langues de feu de l’Esprit Saint. La précision du témoignage laisse à penser que le peintre a pu assister à cet office. La proximité de l’artiste avec Louis XVI le permettait. Présenté au couple royal en 1774, Hubert Robert reçut commande de plusieurs tableaux. Il conçut aussi pour les jardins de Versailles les nouveaux Bains d’Apollon, et participa à l’élaboration du hameau de la Reine et de la laiterie de Rambouillet, en collaboration avec Georges Jacob. Essentiel tant aux plans de l’histoire que de l’histoire de l’art, remarquable pour ses qualités artistiques et sa richesse iconographique, ce tableau iconique a légitimement été classé « œuvre d’intérêt patrimonial majeur ».

Gwenola Firmin,
conservateur en chef au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

Œuvre acquise grâce au mécénat de LOV Group.


À VOIR
Le tableau de La Messe de la famille royale aux Tuileries par Hubert Robert est présenté actuellement salle du Pape, dans le circuit de visite libre, au premier étage.

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