Bouquets de fleurs
pour un bosquet

L’hiver dernier, 148 tulipiers ont été plantés au centre du bosquet de la Reine. La restauration se poursuit pour rendre toute sa vigueur et sa particularité à ce jardin fleuri.

Un tulipier de Virginie en fleurs, au château de Versailles. © EPV / © Didier Saulnier.

N’aviez-vous jamais été frappé par la désuétude du bosquet de la Reine : quelques arbres fiers, quelques bustes isolés, une masse végétale périphérique accessible seulement aux audacieux, les enfants surtout, en quête d’aventure ? Pourtant, un climat apaisé invite à la contemplation et au rêve. Son appellation varie, on évoque le bosquet du Labyrinthe (la première composition, achevée en 1680), celui de Vénus (en raison de la statue qui l’ornait), ou encore celui de la Reine. C’est ici que le cardinal de Rohan a cru rencontrer Marie-Antoinette pour l’acquisition du collier en diamants qui fit tant de scandale.

Le bosquet de la Reine avant sa restauration. © EPV / © Christophe Fouin.

Un bosquet réservé à la famille royale

Le Labyrinthe, composé par Le Nôtre, avec ses fontaines décorées de coquillages et de sculptures animalières en plomb, était fragile et difficile à entretenir. La décision a été prise, lors de la grande replantation voulue par Louis XVI, de détruire ce bosquet et d’en changer le dessin. Plusieurs propositions ont été faites à la famille royale afin de créer un bosquet qui lui soit réservé. Le Roi et la Reine ont orienté leur choix vers un appartement de verdure, avec des pièces, des circulations, des lieux intimes et protégés. Seuls les invités de la famille pouvaient se rendre dans ce bosquet fermé de grilles, toujours présentes actuellement. Au cœur de cet ensemble, se trouvait la salle principale, la plus vaste, agrémentée parfois d’une tente protectrice.

Plan de situation du bosquet de la Reine, dans la partie gauche des jardins du château de Versailles.

Louis XVI, intéressé par les espèces exotiques, y a fait planter en 1778 des tulipiers de Virginie. Cet arbre, importé en France en 1732 par un amiral de retour des États-Unis, tient son nom de sa fleur odorante qui a la forme d’une tulipe dans les tons de jaune et d’orange. Il peut ne fleurir qu’après vingt-cinq ou trente ans et mesurer jusqu’à 50 mètres de haut sur sa terre natale.

Une fleur de tulipier. © EPV / © Didier Saulnier.

Par ailleurs, et afin d’être tout à fait agréable, ce bosquet était agrémenté de nombreuses fleurs. Différents arbustes florifères d’importation sont cités dans les documents relatifs à la création, la plantation et l’entretien de ce bosquet. Les fleurs figuraient également dans des plates-bandes, le long des allées et au pourtour de la salle principale. Leur choix était laissé à l’appréciation des jardiniers, mais le résultat devait être délicieux pour satisfaire le goût de Marie-Antoinette.

L’état Louis XVI, dont il reste des vestiges, a été privilégié

Lorsque la restauration d’un bosquet s’envisage, en fonction des priorités d’action et des moyens que peut mobiliser l’Établissement public, une réflexion est engagée avec l’architecte en chef des monuments historiques sur l’époque à retenir. Ainsi, sans modifier l’architecture générale des jardins et l’ordonnancement des allées, des fontaines et des perspectives, chacun des bosquets peut être considéré individuellement.

En raison de l’histoire du bosquet de la Reine, deux partis pris étaient possibles : celui de la restitution dans un état Louis XIV – le fameux Labyrinthe – ou bien celui de la restauration de l’état Louis XVI. Cependant le bosquet actuel accueille encore des vestiges de ce dernier état : quelques tulipiers, les allées principales, les chemins périphériques permettant de se déplacer de salle en salle…

Par ailleurs, les difficultés d’exploitation du Labyrinthe auraient été encore plus flagrantes aujourd’hui avec le public. Enfin, seules 10 % de ses sculptures originales en plomb subsistent dans les collections du Château. La restauration du bosquet dans son état Louis XVI a donc été privilégiée et étudiée par Jacques Moulin, maître d’œuvre de ces travaux.

Il s’agissait enfin de préciser les espèces à retenir pour cette restauration. En effet, au XVIIIe siècle, la connaissance des végétaux était différente, notamment pour les plantes importées en cours d’acclimatation. Les tulipiers de Virginie se sont, sans aucun doute, installés durablement à Versailles, et, outre les deux spécimens qui restent au bosquet de la Reine (et qui seront conservés), un autre sujet est présent depuis deux cents ans environ, au Grand Trianon1, il mesure 25 mètres de haut et figure dans notre liste des Arbres admirables2.

Vue du bosquet de la Reine en cours de restauration, une fois les tulipiers replantés dans la salle centrale. © EPV / © Didier Saulnier.

Pour les arbres - mais aussi les arbustes à fleurs - les inventaires, commandes, regarnis des jardins de Trianon et les ouvrages botaniques comme ceux du fameux abbé Nolin, contrôleur général des pépinières, ont constitué des sources précieuses. Les albums contemporains de la création du bosquet de la Reine, comme celui de Ligier, ont fourni des listes fort utiles de vivaces et de bulbes. Certaines espèces citées dans les documents historiques ne pourront néanmoins pas être replantées en raison de leurs caractéristiques invasives ou désagréables pour le public. Le travail des équipes consiste à faire des choix permettant d’évoquer au plus près ce que nous décrivent les textes, et de renouer ainsi avec le charme propre à ces lieux.

Sophie Lemonnier,
Directrice du patrimoine et des jardins au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.

1 Au niveau du jardin des Sources.
2 Liste établie durant l’année passée par le château de Versailles à l’échelle de tout le Grand Parc.

La replantation en cours des tulipiers de la salle centrale. © EPV / © Thomas Garnier.


Une replantation en deux phases

Une campagne de mécénat a été lancée courant 2019 pour l’acquisition des 148 tulipiers. 119 d'entre eux ont été «adoptés» à ce jour, principalement par des particuliers. Leur replantation, au niveau de la salle centrale, a eu lieu durant l’hiver 2019-2020 et les pépiniéristes nous réservent dès à présent leur production de rosiers pour le pourtour.

La seconde phase des travaux concernant ces salles périphériques sera finalisée pour le printemps 2021. Des catalpas, des cerisiers ou encore des seringats orneront les salles arbustives abondamment fleuries.

De nombreux mécènes, français et internationaux, particuliers et entreprises, se sont engagés en faveur de la restauration du bosquet de la Reine : les American Friends of Versailles ;la Société des Amis de Versailles ; la French-American Cultural Foundation ; The Hyatt Foundation ; le National World War I Museum and Memorial ; Goldman Sachs Gives ; OC Travel ; Veolia ; Smurfit Kappa ; Hugo Events.

 

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