Visiteurs :
le roi en sa chapelle

Quand il se rend à la Chapelle royale, le Souverain attire tous les regards, particulièrement ceux des visiteurs étrangers qui notent le moindre écart à la solennité de la messe. Florilège de témoignages issus de la base de données « Visiteurs de Versailles », publiée par le Centre de recherche du château de Versailles (CRCV).

Le chœur de la Chapelle royale, avec son maître-autel et, au-dessus, son orgue. © EPV / Didier-Saulnier.

Bien que la vocation première de la messe soit la prière et le recueillement, elle est aussi  une scène, à Versailles, où se déploie le spectacle monarchique et où chacun se montre, y compris le Roi. De l’avis de Steinbrenner, « parmi les milliers de personnes qui se réunissent pour la messe, pas dix n’y vont par dévotion, mais par curiosité de voir et d’être vu ».

« C’est le Roi, pas l’officiant, qui est l’objet de l’attention »

Selon Johann Jacob Volkmann, les visiteurs se rendent à la Chapelle précisément dans ce but. L’attention portée sur le Roi est telle qu’elle occulte parfois le culte lui-même, au grand dam de John Moore : « À la messe, c’est le Roi, pas l’officiant, qui est l’objet de l’attention. L’hostie est élevée, mais les yeux des spectateurs restent fixés sur le visage de leur monarque bien-aimé ».

Antoine Dieu, Mariage de Louis de France, duc de Bourgogne, et de Marie-Adélaïde de Savoie, 7 décembre 1697, 1715. © RMN-GP (Château de Versailles). La scène se situe dans une autre chapelle du Château, bâtie en 1682 et depuis disparue, avant que soit édifiée celle que nous connaissons aujourd'hui. 

Le Souverain n’est pas le seul que l’on cherche à observer. Romilly note ainsi que « tous les yeux étaient fixés sur les personnages de la cour […] tandis que le prêtre, commençant son office, n’était écouté par personne ». Parmi les participants les plus remarqués, outre le Roi : la Reine, les Enfants de France, mais aussi des courtisans plus controversés comme la comtesse Du Barry ou la duchesse de Polignac.

De la piété…

Par ceux venus de l’étranger et peu habitués de la Cour, le comportement de tous ces personnages est scruté dans le détail. Le Roi de France, dit « Très-Chrétien », fait l’objet des plus grandes attentes. À cet égard, Louis XIV comme Louis XV ne déçoivent pas : presque tous les témoignages se rejoignent et relèvent leur gravité et leur dévotion. Le premier, décrit par le Suédois Marten Törnhielm en 1687, apparaît comme « fort recueilli » : « chaque fois que l’ostensoir était présenté, selon le rite catholique, il se prosternait jusqu’à terre ». Le comportement de Louis XV est également « sérieux et respectueux » (Benjamin Rush en 1768). Pendant la prière, Alessandro Verri raconte qu’il « ouvre son office de la Bienheureuse Vierge, ou n’importe quel autre livre d’autres saintes prières, et il écoute à genoux avec une grande dévotion » ; à l’Élévation, il « se frappe la poitrine et se signe fréquemment » selon Philip Thicknesse.

Au-dessus du maître-autel, la gloire ciselée par Corneille Van Clève, avec tous ces anges tournés vers le Nom divin inscrit en son milieu. © EPV / Didier-Saulnier.

… à un peu plus de légèreté

Les jugements portés à l’égard de Louis XVI sont plus mitigés. Certains, comme Heinrich Reichard, se disent « édifié[s] » par « sa dévotion sincère et non affectée qui trahissait une piété réelle ». D’autres au contraire s’offusquent de son attitude. « Le Roi riait et espionnait les dames », d’après Romilly en 1781. Pire, en 1788, « il a été, pendant toute la messe, engagé dans la conversation la plus joviale avec le comte d’Artois », selon un anonyme ; « une considération affligeante », pour cet auteur anglais, que « cette légèreté dans une tête couronnée » !

Flavie Leroux,
attachée de recherche au Centre de recherche du château de Versailles

L'orgue de la Chapelle royale, dont la partie instrumentale, restituée en 1995, avait été réalisée par Robert Cliquot et Julien Tribuot. © EPV / Didier-Saulnier.


Messes de Noël

Les 24 et 25 décembre, le Roi était particulièrement assidu, assistant à pas moins de six messes ! À minuit, notamment, les trois messes basses de Noël étaient célébrées successivement et se prolongeaient jusqu’à l’aube, ainsi que le raconte le Britannique Sacheverell Stevens, en visite en 1738 :

« Un prodigieux concours de gens venus de Paris et alentours attendait ces dévotions de minuit. À onze heures, leurs majestés entrèrent dans la galerie ; elles ne prirent pas place sur les deux sièges susmentionnés [ceux de la tribune royale] mais s’assirent au milieu de la galerie sur deux riches trônes, placés sur un tapis de velours. Ils se comportèrent tous deux avec la même dévotion ; la musique et le chœur, durant tout ce temps, étaient excessivement beaux et continuèrent jusqu’au lever du jour. Après quelque repos, je retournai voir la cérémonie du jour de Noël, leurs majestés arrivèrent à dix heures, précédés des tambours, des flûtes, etc. Comme la veille, ils furent placés sur deux riches sièges, à la seule différence qu’ils ne s’installèrent pas dans la galerie mais au milieu de la Chapelle, car ce jour-là ils recevaient le Sacrement. […] Le concert fut meilleur que celui de la veille, donné par les meilleurs artistes de France ».


Les Différentes Nations de l’Europe, d’après Charles Le Brun, XVIIe siècle. © Château de Versailles / Jean-Marc Manaï.

La base de données « Visiteurs de Versailles »

Publiée en 2019 par le CRCV, la base « Visiteurs de Versailles » recense les témoignages de ces voyageurs venus du monde entier, entre le XVIIe et la fin du XIXe siècle. Leur particularité ? Des regards variés et distanciés - même s’ils sont parfois influencés par des motivations personnelles ou une culture nationale - sur des aspects que les Français n’ont pas toujours pensé à préciser. Une série d’articles les met en valeur autour de thématiques récurrentes. Ici, les rituels et cérémonies du quotidien royal.


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