Musée en mouvement

Face à la complexité de Versailles, mêlant salles historiques et vastes collections d’œuvres, chacun a apporté sa touche, dans l’espoir illusoire d’atteindre l’accrochage idéal.

Déplacement d'une œuvre dans le château.

Le quadruple centenaire du château et le réaménagement de la galerie de l’Histoire donnent l’occasion de rappeler que, plus de la moitié du temps, Versailles a été un musée. Il abritait dès 1796 le musée central des arts, puis, en 1797, le musée spécial de l’École française, conçu comme complémentaire de celui du Louvre, avant d’être doté, à partir des années 1830, des Galeries historiques, dont les collections nous sont totalement parvenues. Et qui dit musée, dit accrochage, car il faut présenter les collections, les classer, les ordonner, selon un discours adapté à chaque époque ou à l’histoire du goût.

Le grand dessein de Louis-Philippe
Comme beaucoup de ses contemporains, Louis-Philippe était un passionné d’histoire, qui fit de Versailles le grand réceptacle d’un récit sublimé, fait de grandes heures et de victoires de la France, ce « roman national » dénoncé depuis par de nombreux historiens. Il avait choisi un parti d’accrochage pérenne, suivant un système de boiseries dans lesquelles étaient insérées les peintures décrivant les événements de cette histoire chimérique et les portraits de ses innombrables acteurs. Ce dispositif avait été généralisé à l’ensemble du palais, sur trois étages, colonisant la totalité des appartements historiques, à l’exception de la galerie des Glaces et de la chambre du Roi. La sculpture avait trouvé place dans tous les espaces de circulation, vestibules, escaliers et galeries.

Vue de la salle de 1830 sous Louis-Philippe Ier, par Jacques-Joseph Huguenet, Achard, Charles Gavard, 1830-1848, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. © Château de Versailles

Retours en arrière
À la fin du XIXe siècle, la Troisième République, paradoxalement soucieuse de revenir à un état plus palatial, fit disparaître le musée du Roi-Citoyen qui, désormais fragmenté, émietté, devint imperceptible aux yeux du public. Ce retour en arrière inscrivait durablement une dualité entre le musée et le palais, dans laquelle ce dernier trouvait désormais le premier rôle, suscitant des travaux de réaménagement « d’époque ».

Depuis, de décrochages en accrochages, chaque génération s’attache à apporter sa marque, à rendre plus accessibles et compréhensibles les collections énormes, héritées du passé et constamment enrichies, tout en s’adaptant au goût du temps. De ces mouvements perpétuels, qui laissent peu de traces, témoigne le regard photographique de Robert Polidori, spectateur silencieux, mais prolixe, des métamorphoses de Versailles pendant quarante ans, depuis les travaux de la loi-programme. Son regard a su fixer l’activité sans relâche des conservateurs et de leurs équipes, au premier rang desquels la régie des collections, sans laquelle rien de tout cela ne pourrait se concrétiser.

Frédéric Lacaille,
conservateur général au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

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