400 ans :
fragment du passé

Le château n’a pas fini de nous surprendre. Pour son anniversaire, c’est lui qui nous a fait un cadeau en dévoilant l’un de ses plus anciens vestiges :
une poutre peinte datant de Louis XIII, celui qui fit construire le relais de chasse, puis une demeure plus confortable qui deviendra
ce grand château métamorphosé par Louis XIV.

La poutre a été retrouvée sous les lambris du salon de l’Œil-de-Bœuf, déposés pour la restauration de la pièce : autant dire en plein cœur du monument, à quelques mètres de la chambre du Roi. Elle surplombe la voussure de l’une des fenêtres qui donnent sur la cour de Marbre et est ornée d’un splendide décor qui a très vite attiré l’attention. Thibaud Lemarechal, des Ateliers Gohard, en est encore tout ébahi : « C’est fabuleux de tomber sur cette poutre que l’on ne devinait pas sous les panneaux de menuiseries montés à l’époque de Louis XIV ! » Recouverte par la poussière, la crasse et le mortier, elle laissait néanmoins entrevoir des irrégularités qui n’ont pas échappé aux regards perçants des artisans présents sur le chantier. Thibaud Lemarechal a ensuite passé plusieurs jours à retirer soigneusement les résidus au scalpel, petit bout par petit bout, après les avoir imbibés avec un solvant. Peintre en décor, il a très vite pris conscience de la qualité de l’ornementation de cette poutre où l’or a été généreusement utilisé au côté de couleurs chatoyantes. Autre raffinement, les formes sont soulignées d’une ombre portée donnant du relief à ces cartouches et à ces motifs floraux qui alternent de manière symétrique.

Détail de la restitution de la poutre faite par Thibaud Lemarechal, peintre en décor des Ateliers Gohard, à qui il a été confié de la dégager au scalpel. © Thibaud Lemarechal

Rare témoin du premier château

Le jeune peintre de décor en a tiré un dessin précis qui correspond à une époque encore marquée par la Renaissance, avant l’émergence du Grand Siècle. « Il est probable que cette solive, par son décor polychrome à cartouches typiquement “Louis XIII”, appartenait à un plafond à la française des années 1630 / 1640 correspondant à la reconstruction du pavillon de chasse initial », précise Frédéric Didier, l’architecte en chef des Monuments historiques en charge du Château. Comment diable cette poutre s’est-elle retrouvée dans le salon de l’Œil-de-Bœuf ? « Cela peut s’expliquer par la nécessité d’un réalignement du mur de façade lors de la réunion des deux pièces primitives (l’antichambre des Bassans, au sud, et la chambre du Roi, au nord) pour constituer, en 1701, cette grande antichambre. Comme souvent à Versailles, pour des raisons de rapidité d’exécution et d’optimisation du séchage, une cloison de doublage à pans de bois avec remplissage en moellons hourdés au plâtre fut mise en œuvre. Or, les magasins des Bâtiments du roi conservaient à cet effet tous les matériaux issus des incessantes transformations du château, en vue de leur recyclage. La réutilisation des bois offrait, en effet, l’avantage de procurer des matériaux secs, prêts à l’emploi et ne risquant donc pas de se déformer, qualité requise pour un support de décor. »

Selon Frédéric Didier, ce réemploi, au début du XVIIIe siècle, de la poutre n’a pas dû l’éloigner beaucoup de son emplacement d’origine : l’enquête reste à mener... sans remettre en question sa conservation in situ, où elle sera derechef masquée, après avoir été révélée et documentée.

Lucie Nicolas-Vullierme,
rédactrice en chef des Carnets de Versailles


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Épisode 1 (1623-1721)
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