Stylé, Louis XV ?

Ces fauteuils et bergères aux montants galbés et aux bras reculés, ces guirlandes de fleurs, ces coquilles et cartouches et autres ornements asymétriques, c’est « Louis XV », bien sûr ! Eh bien, non : le roi n’y est pour rien, même s’il en apprécia pleinement
les chefs-d’œuvre réalisés pour lui.

Détail d'un lustre à neuf bras de lumière, aux armes de Mme de Pompadour (trois tours crénelées), par Jacques et / ou Philippe Caffieri, vers 1750-1755. Paris, bibliothèque Mazarine.
Icône absolue du style rocaille, ce lustre, ainsi que son pendant, allie avec virtuosité courbes et contrecourbes.

Louis XV aurait probablement été bien surpris si on lui avait annoncé que son nom serait donné à tout un pan de la production artistique en France. Cette association entre le nom d’un roi et le style d’un moment donné est due aux critiques et amateurs du XIXe siècle qui s’adonnèrent à une classification des différents mouvements artistiques de l’Ancien Régime. En ne retenant que le courant dominant d’une période, ils induisirent plusieurs paradoxes, le principal étant un décalage entre les dates des règnes et celles où s’épanouirent les styles concernés.

Candélabre à trois branches, par Juste-Aurèle Meissonnier et Gabriel Huquier, dans le Livre de chandeliers de sculpture en argent, planche 73. Paris, vers 1738-1749. Coll. particulière. © DR

Entre « Régence » et « Transition »

Le règne de Louis XV (1715/1722-1774) couvre trois champs stylistiques, et l’apparition de l’un n’entraîna pas obligatoirement la disparition de celui qui le précédait. Au style dit « Régence », qui caractérisa la création à partir des années 1710 – soit sous le règne finissant de Louis XIV – et dont des manifestations sont encore sensibles jusque vers 1740, succéda celui dit « Louis XV ». Apparu au début des années 1730, ce dernier dura jusque vers 1760. C’est alors que le style dit « Transition », qui possède en germe le style « Louis XVI », commença à s’imposer après avoir connu de premières manifestations dès le milieu des années 1750.

 

 

 

 

Dans l'exposition, l'un des candélabres aux carlins en porcelaine de Meissen, vers 1745. Belgique, coll. part. © Château de Versailles / Thomas Garnier
Le règne de Louis XV voit s'épanouir la vogue des pièces en porcelaine importées et montées par les marchands merciers parisiens pour les amateurs de beaux objets. Particulièrement appréciés étaient les animaux de Meissen, tirés des modèles de Kändler, notamment les carlins.

Un style venu de Paris

Associer un roi et un style peut sous-entendre que le premier aurait pu avoir joué un rôle dans l’apparition du second. Or, Louis XV était encore bien jeune lorsque le style qui porte son nom apparut. Il n’eut, de ce fait, aucune influence en la matière. Qui plus est, les conditions de la création sous son règne étaient bien différentes de celles au temps de Louis XIV. En effet, depuis les années 1700 environ, la création artistique s’était déplacée de la Cour à la ville, de Versailles à Paris. Ce mouvement, accentué par l’épisode de la Régence qui s’installa dans la capitale, redonna à Paris toute sa prééminence. Inventions des formes et d’ornements provinrent désormais d’artistes qui, en toute indépendance du goût et des modes que l’on rencontrait à la Cour, rivalisèrent entre eux et introduisirent leurs œuvres jusque chez le roi.

Ni instigateur ni inspirateur du style portant son nom, Louis XV y adhéra néanmoins pleinement. Il lui demeura fidèle pendant presque tout son règne, bien qu’il eût adopté les nouveautés engendrées par l’introduction d’un néoclassicisme modéré dont la plus belle expression demeure le Petit Trianon. Plusieurs des grands chefs-d’œuvre de l’art rocaille furent exécutés pour Louis XV, mais on ne sait pas jusqu’à quel point il intervint dans leur conception, même si des dessins ou des modèles ont pu lui avoir été soumis. Ses choix en matière artistique semblent avoir été, en grande partie, délégués à un nombre restreint de personnes que la charge plaçait dans la situation de servir d’intermédiaires entre leur maître et les artistes.

Dans l'exposition, commode de la chambre de Louis XV à Versailles, par Antoine-Robert Gaudreaus et Jacques Caffieri, 1739. Londres, avec l’aimable autorisation des Trustees de la Wallace Collection. © Château de Versailles / Thomas Garnier
Considérée comme l'un des plus importants meubles français du XVIIIe siècle, cette commode a fait partie de la vie quotidienne de Louis XV durant plus de trente-cinq ans. Elle a la particularité de comprendre de petits placards latéraux servant probablement aux barbiers du roi à entreposer leur matériel. 

Une intervention directe sur les projets d’architecture

Il ne semble pas que Louis XV ait discuté directement avec les orfèvres, ébénistes ou bronziers qui produisaient les œuvres qui lui étaient destinées. On sait qu’il donna des instructions pour des tableaux ornant ses cabinets, mais on ignore jusqu’à quel degré de détail. Par contre, Louis XV s’affirma dans un domaine, celui des bâtiments. Plusieurs mémorialistes relevèrent que l’architecte Ange-Jacques Gabriel avait l’insigne privilège de s’enfermer avec lui pour travailler sur les nombreux projets touchant aussi bien les transformations et agrandissements des maisons royales que les aménagements et la décoration de ses appartements ou de ceux de sa famille. Les documents annotés de la main du roi donnent raison au marquis d’Argenson qui écrivait, en 1752, que « Sa Majesté ne respire qu’avec des plans et des dessins sur la table ».

Yves Carlier,
conservateur général au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon


À VOIR

Exposition Louis XV, passions d’un roi
jusqu’au 19 février 2023
Château de Versailles, salles d’Afrique et de Crimée

Horaires : Tous les jours, sauf le lundi, de 9 h à 17h30 (dernière admission à 17 h).

Billets : Accessible avec le billet Passeport, le billet Château, ainsi que pour les bénéficiaires de la gratuité.
Gratuit et illimité avec la carte « 1 an à Versailles ».

Commissariat : 
Yves Carlier, conservateur général du patrimoine, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon
Hélène Delalex, conservatrice du patrimoine, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

Scénographie : Martin Michel

                    © Château de Versailles / Claire Le Meil

Autour de l'exposition

Visites guidées de l’exposition, ainsi que la visite guidée « Chez madame Du Barry, dame de Cour et de cœur » qui mène à son appartement, de nouveau rouvert au public.
Sur réservation par téléphone au 01 30 83 78 00 ou en ligne sur chateauversailles.fr

Visites en famille : Plusieurs activités sont proposées

Un livret-jeu gratuit pour les 6-12 ans, disponible à l’entrée de l’exposition ou sur chateauversailles.fr

Un parcours audio, disponible dans l’audioguide du Château et sur l’application mobile onelink.to/chateau

Cycle d’activités proposé aux 18-30 ans et aux détenteurs du Pass Culture.

Programmation spécifique pour les abonnés « 1 an à Versailles » à découvrir sur chateauversailles.fr/abonnes


À LIRE / À ÉCOUTER

Le catalogue de l’exposition, sous la direction d’Hélène Delalex et Yves Carlier. Château de Versailles / éd. In Fine, 2022, 24 × 30 cm, 496 p., 49 €
Disponible sur boutique-chateauversailles.fr

Yves Carlier, Le Style Louis XV, Château de Versailles / éditions In Fine, novembre 2022, 19,5 × 25 cm, 128 p., 25 €

Une playlist « Louis XV » : Parcourez l’exposition en musique, au rythme du XVIIIe siècle, grâce à cette sélection musicale, disponible gratuitement sur la plateforme d’écoute Deezer.

 

 

 

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