Quel dauphin ?

Au cœur du château, l’appartement du Dauphin a bénéficié de la plus grande magnificence comme il a pâti, ultérieurement, du plus inflexible démantèlement. Sa restauration, qui s’est achevée, ne pouvait que s’accommoder d’une histoire où s’entremêlent les occupations successives des héritiers du trône de France.

Un chef-d'œuvre de l’art rocaille : détail d’une parclose du grand cabinet du Dauphin, en cours de restauration. © EPV / Didier Saulnier.

L’appartement du Dauphin, dont nous avons été privés par plusieurs années de grands travaux dans le corps central du château, est l’un des lieux phares de Versailles. Son emplacement magnifique, en rez-de-jardin sous la galerie des Glaces et le salon de la Paix, place l’héritier du trône de France dans une position à la fois dominante et de plain-pied avec le domaine. Du Grand Cabinet, on embrasse du regard le parterre d’Eau et le parterre du Midi jusqu’à la pièce d’eau des Suisses. La cour de Monseigneur est voisine de la cour de la Reine, et un système d’escaliers assure la connexion entre les cabinets intérieurs du Dauphin et l’appartement de sa mère, situé juste au-dessus.

Vue du Grand Cabinet, magnifiquement restauré. © EPV / Christophe Fouin.

Mais comme toujours à Versailles, lorsque l’on parle de « l’appartement du Dauphin », on fait référence à une entité évolutive et complexe. Il faut d’abord admettre que nous devons nous contenter d’une restitution datant des années 1980, l’appartement ayant été radicalement démembré par Louis-Philippe pour y installer des galeries de portraits d’amiraux et de connétables : alors que les appartements royaux étaient conservés, celui du Dauphin, symbole brûlant de la transmission dynastique directe, abritant, juste avant la Révolution, un enfant au destin tragique, ne pouvait être qu’une cible prioritaire dans la réécriture de l’Histoire de France par le Roi-citoyen.

Louis de France, dauphin, fils de Louis XV (1729-1765), par Alexandre Roslin, 1765. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. © RMN-Grand Palais (château de Versailles) / Gérard Blot.

La restitution des années 1980
en l’état de 1747

L’appartement a été recréé dans les dispositions de l’aménagement achevé en 1747 pour le fils de Louis XV, à la suite de son second mariage. Il a certes existé un état plus grandiose encore, celui du Grand Dauphin, fils aîné de Louis XIV, qui habitait à peu près les mêmes espaces et les avait dotés de la décoration la plus extraordinaire. Mais pas question de restituer ces merveilles disparues comme le cabinet des miroirs, avec son parquet de marqueterie Boulle, sa forêt de consoles et de scabellons supportant les objets précieux : l’état de 1747 était la meilleure solution, à partir des quelques boiseries et dessus-de-porte conservés.
Le dauphin Louis-Ferdinand avait habité une première fois cet endroit dès qu’il était passé aux hommes, en 1736, avant de s’installer dans l’aile du Midi au moment de son mariage avec l’infante Marie-Thérèse-Raphaëlle d’Espagne, en 1745. À la mort de celle-ci, il fallut lui organiser une vie nouvelle avec la deuxième dauphine, Marie-Josèphe de Saxe. Dès le départ de la Cour à Fontainebleau, à l’automne 1746, les travaux commençaient dans le traditionnel appartement du corps central sur un projet de Gabriel dont nous conservons de nombreux éléments et qui marque l’apogée du style rocaille dans son application la plus majestueuse.

Le cadre de vie de plusieurs dauphins jusqu’au dernier,
installé durant l’été 1789

Une fois ce choix de restitution opéré, encore fallait-il gérer le problème de la succession des usages de l’appartement jusqu’à la Révolution, car plusieurs dauphins s’y succédèrent, d’âges très divers, jusqu’au dernier, Louis-Charles, qui y fut installé alors qu’il avait quatre ans, à l’été 1789, après la mort de son frère Louis-Joseph-Xavier. Le principe du remeublement de Versailles dans son état « du 6 octobre 1789 » impliquait d’évoquer le cadre de vie de ces deux derniers dauphins, ainsi que l’environnement souhaité par Louis XVI pour leur éducation. D’où le mobilier d’Harcourt qui fournit une très proche équivalence, ou encore le globe terrestre et céleste de Mentelle déposé par la Bibliothèque nationale, objet impressionnant commandé par Louis XVI en 1788 pour l’instruction de Louis-Joseph-Xavier.

Le Grand Cabinet donnant sur les jardins, avec le globe de Mentelle. © EPV / Christophe Fouin.

Néanmoins, des témoignages magnifiques de l’état Louis XV de l’appartement – les meubles livrés par BVRB1 pour Louis-Ferdinand, le décor en vernis Martin de la bibliothèque – imposent d’accorder une place importante à cette période. C’est ainsi que, pour la restauration du grand cabinet d’angle, un retour à l’aspect d’origine, avec ses décors intégralement dorés alors qu’ils furent largement blanchis sous Louis XVI, a été retenu. Le génie de l’équipe Gabriel-Verberckt s’y révèle dans tout son éclat.

La bibliothèque restauré. © EPV / Thomas Garnier

Un « bond en avant vers le passé »

Il nous manquera toujours beaucoup pour imaginer le charme de cet appartement au XVIIIe siècle. Nous ne retrouverons pas la perspective peinte par Fredou dans la cour, en 1746, pour créer un espace illusionniste, ni tous les meubles les plus précieux. Mais nous faisons un très grand pas, un bond en avant vers le passé, comme on les fait joyeusement à Versailles.

Laurent Salomé,
directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.

BVRB : Bernard II Van Risen Burgh (1705-1766).

 

La chambre du Dauphin en cours de restauration.
© EPV / Didier Saulnier.

Une restauration à la gloire du style rocaille
La restauration de l’appartement du Dauphin vient de se terminer. Elle a concerné les trois pièces en enfilade de l’appartement, situé à l’angle sud-ouest du corps central du château : chambre, Grand Cabinet et bibliothèque. La chambre du Dauphin, la mieux conservée, a bénéficié d’un nettoyage et de compléments mineurs. Ses décors, en grande partie d’origine, sont sublimés par une remise en peinture dans les règles de l’art des fonds unis blanc de Roi. Le Grand Cabinet et la bibliothèque ont fait l’objet, pour des raisons différentes, d’interventions plus importantes qui ont visé à retrouver leur état à leur apogée, quand triomphait le style rocaille.

 

 

 


À VOIR

Vue de la bibliothèque du Dauphin. © EPV / Thomas Garnier.

L'appartement du Dauphin restauré et remeublé
à partir du 1er avril 2022
dans le cadre du circuit de visite libre
Toutes les informations sur chateauversailles.fr

 

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