Colosse de polystyrène

Près de l’Orangerie du château de Versailles, la restauration des grilles des Premières et Deuxièmes Cent marches est en cours. Du haut de ces escaliers monumentaux qui prolongent le parterre du Midi, on peut apercevoir en contrebas la silhouette massive, blanche comme neige, d’une curieuse sculpture.

© EPV/ Didier Saulnier

En s’approchant, on reconnaît la reproduction du groupe sculpté Vertumne et Pomone, situé quelques mètres plus loin, tout hérissé d’échafaudages. Mais ni la teinte, presque bleutée, ni la matière, artificielle, ni les jonctions visibles et rectilignes des différentes pièces qui la composent, ni même les conditions sommaires de présentation ne laissent de doute : cette figure est bel et bien taillée dans un modeste polystyrène.

© EPV / Didier-Saulnier.

Effleurant du doigt la sculpture, Raphaël Gastebois, chargé de la conservation architecturale au château de Versailles, en souligne les reliefs grêlés, fendus et lacunaires : « Cette statue est une impression en 3D, en taille réelle, de la sculpture originale. On y a reproduit, fidèlement, toutes les dégradations accusées par son modèle. Elle constitue de la sorte un support tout à fait inédit pour établir, avec la conservation du musée, la DRAC1 Île-de-France et l’Architecte en chef des Monuments historiques Jacques Moulin qui dirige l’ensemble de l’opération, le protocole de restauration de Vertumne et Pomone, qui sera mise à l’abri et remplacée par une copie en pierre. Nous procéderons de la même manière pour les autres sculptures monumentales qui couronnent chacun des piliers des grilles des Premières et Deuxièmes Cent marches. »

© EPV/ Didier Saulnier.

La restauration de ces quatre groupes sculptés en pierre de Saint Leu par Pierre Legros 1er (Aurore et Céphale, Vertumne et Pomone) et Louis Lecomte (Flore et Zéphir, Vénus et Adonis), au XVIIe siècle, accompagne celle des deux grilles monumentales de l’Orangerie, menée par le château de Versailles et subventionnée par les départements des Hauts-de-Seine et des Yvelines. Ces quatre couples mythologiques racontent des amours heureuses, malheureuses, triomphantes ou déçues, dans des dimensions tout à fait colossales : ils se déploient sur trois mètres et demi de haut et quatre mètres et demi de large et pèsent une vingtaine de tonnes.

© EPV/ Didier Saulnier.

De la pierre dure de Saint-Aigle, à la place de celle de Saint-Leu

« Sur chacune de ces sculptures, on déplore des desquamations et des lacunes, tel le tibia du dieu Vertumne, des traces d’érosion et de nombreuses fissures, comblées dans les années 1950 avec du ciment, ce qui a cependant eu le mérite de préserver la cohérence formelle de ces sculptures, explique Marie-Caroline Bardy, chargée d’opérations au château de Versailles. Aujourd’hui, nous travaillons à recréer la matière et à réformer les chairs abîmées de ces sculptures qui ont souffert pendant des siècles des intempéries ». Pour leur réalisation, on a choisi la pierre dure de Saint-Aigle, dont la teinte chaude et vanillée joue les équivalences avec la pierre de Saint-Leu, qui gèle et se corrompt rapidement quand elle est exposée à l’humidité. Ce travail sera réalisé en atelier par les tailleurs de pierre SBNR et Chevalier, spécialistes des ouvrages d’art et monuments historiques.

Ferronnerie, maçonnerie, pierre de taille, peinture, dorure et sculpture, six entreprises spécialisées dans la restauration de Monuments historiques sont mobilisées depuis un an pour redonner leur majesté à ces ouvrages que les vents d’ouest n’ont pas épargnés. Si le calendrier des travaux n’est pas excessivement bousculé par le contexte sanitaire, les copies de ces géants de pierre verront bientôt, espérons-le, se presser la foule venant assister aux feux d’artifices qui réenchanteront, à la belle saison, les parterres de l’Orangerie.

Clotilde Nouailhat

1. DRAC : Direction régionale des affaires culturelles.

© EPV / Didier Saulnier

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