Le mystère de la galerie des « Cotelle »

Le Grand Trianon abrite bien des secrets. Ceux de Louis XIV, Napoléon et Charles de Gaulle y côtoient ceux de Jean II Cotelle, peintre méconnu du Grand Siècle. Béatrice Sarrazin, conservateur au château de Versailles, mène l’enquête sur ces tableaux de bosquets
qui ont connu bien des vicissitudes.

La galerie des Cotelle au Grand Trianon. @ Jean-Marc Manaï
La galerie des Cotelle au Grand Trianon. © Château de Versailles / Jean-Marc Manaï

En 1688, Jean II Cotelle reçut la commande prestigieuse de vingt-quatre peintures destinées à orner la galerie de Trianon, reliant le salon des Parfums et le Salon frais. Le sujet allait de soi, les jardins si chers à Louis XIV, et allait de pair avec la Manière de montrer les Jardins de Versailles que le Roi-Soleil rédigeait au même moment. En seulement deux ans, Cotelle peignit vingt-et-un tableaux, choisissant de peupler les bosquets de nymphes, déesses et héros tirés d’Ovide et du Tasse. On y rencontre, par exemple, Vénus et Mars dans le bosquet de l’Arc de Triomphe, Alphée poursuivant Arétuse dans celui de l’Étoile, Jupiter foudroyant, à la fontaine de l’Encelade, Renaud et Armide dans la Salle de bal. Dissimulés par la végétation, les bosquets se prêtent aux plaisirs et aux amours des dieux. Que de témoignages précieux sur des lieux existants, transformés ou disparus ! Le peintre laissa l’exécution des trois derniers tableaux à Étienne Allegrain (1644-1736) et Jean-Baptiste Martin (1659-1735). Par manque de temps ? Par souci d’introduire dans la galerie de la diversité ? Délaissant le sujet mythologique, les deux peintres, paysagistes de formation, choisirent en effet de représenter des personnages habillés à la mode contemporaine.

Le cycle se déploie dans les lambris des entrefenêtres et aux deux extrémités de la galerie. Peindre les jardins, les fontaines et les sculptures dans un format vertical reste inhabituel. Aussi les figures délicates viennent-elles créer un deuxième niveau de lecture.
Ne l’oublions pas, Jean Cotelle est avant tout un peintre d’histoire, reçu à l’Académie Royale de peinture et de sculpture en 1671 mais il est aussi un miniaturiste confirmé.

Décrochés en 1809, mis en réserve au musée du Louvre, revenus au château de Versailles en 1837, présentés dans le Musée d’Histoire de France voulu par Louis-Philippe, ce n’est qu’en 1913 que les 24 tableaux reprennent leur place au Grand Trianon. Entre-temps, ils ont connu un changement de format, des restaurations lourdes allant jusqu’à la transposition, c’est-à-dire l’enlèvement de leur toile d’origine et l’ajout d’une nouvelle toile. Avant leur remise in situ en 1913, Pierre de Nolhac décida d’une nouvelle restauration, grâce aux Amis de Versailles. Bien qu’entretenus, voire même restaurés tout au long du XXe siècle, il faut reconnaître que l’état de certains s’est dégradé. Il suffit de déambuler dans la galerie pour s’en rendre compte. Plus d’une peinture est couverte de repeints apparents, de vernis jaunes et oxydés et de petits papiers japon posés sur des soulèvements de la matière picturale.

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Devant l’importance des restaurations à mener, il était indispensable d’établir un programme sur plusieurs années. Ce fut chose faite en 2013. II en ressort que quinze tableaux requièrent une restauration fondamentale portant sur le support et sur la couche picturale. Depuis, sept peintures ont été restaurées, la plupart grâce à de généreux mécènes qui ont bien voulu les « adopter ».

Béatrice Sarrazin, 
conservateur général au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

Cet article est extrait des Carnets de Versailles n°10 ((octobre 2016-mars 2017)


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