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Les Dames de Trianon

Le domaine de Trianon a abrité nombre de personnages illustres et surtout des grandes figures féminines de l’histoire de Versailles : reines, impératrices, maîtresses royales, et filles des rois ont marqué le Grand et le Petit Trianon, de Louis XIV à Louis-Philippe.

Marie-Caroline de Bourbon-Sicile, duchesse de Berry (1798-1870), par Sir Thomas. © RMN-GP (Château de Versailles) / Lawrence Philipp Bernard

« La porte s’ouvrit avec fracas ; Madame la duchesse de Berry s’élança dans la chambre en faisant des évolutions belliqueuses, et tira son pistolet chargé à poudre […]. Le Roi, se retournant vers Monsieur de Maillé, lui dit piteusement : Comment la trouves-tu, Maillé ? – A…bo…mi…na…ble, Sire. »

Madame du Barry, par François-Hubert Drouais © RMN-GP (Château de Versailles) / Daniel Arnaudet

Telle est l’anecdote qu’on rapporte à propos du dernier conseil des ministres que tint Charles X à Trianon, au moment de partir en exil, suite à la révolution de Juillet 1830. On imagine la situation : la jolie duchesse de Berry tentant de soulever l’énergie de deux vieillards médusés, afin de faire le coup de feu contre les Parisiens révoltés ! C’est là l’un des événements rapportés sur les dames de Trianon. Louis XIV avait voulu le Trianon pour s’éloigner de la Cour. On y jouait, on y dînait… On y faisait des facéties, comme ce jour où les filles illégitimes du roi réveillèrent Monsieur, frère de Louis XIV, en allumant des pétards sous ses fenêtres. « Le Roi rend ses bâtards trop insolents et les gâte absolument », conclut, haineuse, la princesse Palatine, belle-soeur de Louis XIV. C’était cela l’esprit du premier Trianon. Un château de campagne où l’on passait de joyeux moments. Au XVIIIe siècle, néanmoins, les événements y furent plus tristes. C’est au Grand Trianon que Louis XV pleura sa maîtresse, Madame de Châteauroux, et que sa fille préférée, Madame Henriette, ressentit les premiers symptômes de la maladie qui devait l’emporter. Ce fut à Trianon que mourut, à l’âge d’un an, la petite Madame Sophie, fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Le Grand Trianon était alors délaissé au profit du Petit Trianon où la Reine, entourée de ses amies, Mesdames de Lamballe et de Polignac, menait une vie libre. Après la Révolution, Napoléon octroya l’aile gauche du Grand Trianon à sa mère, Laetitia Ramolino, qui refusa d’y venir, n’y trouvant pas le confort qu’elle souhaitait. L’Empereur répondit sèchement qu’on « n’habite pas un palais comme une petite maison ».

Elisabeth II en visite à Versailles, accompagnée de Georges Pompidou, 1972

Puis un événement marqua les lieux en décembre 1809. Napoléon, ayant annoncé son divorce à Joséphine, se réfugia au Château, autant pour y pleurer cette séparation que pour préparer son remariage. Il épousa Marie-Louise et les deux Trianons furent remeublés. Après le mariage de Marie, fille de Louis-Philippe, en octobre 1837, la vie de Trianon s’arrêta. Il y eut bien la duchesse d’Orléans, mais elle parlait « de l’exil de Trianon ». En 1867, l’impératrice Eugénie transforma le petit château en musée, avant que les épouses des présidents de la Ve République accueillent au Grand Trianon les femmes les plus en vue de la fin du XXe siècle, de la reine d’Angleterre à l’impératrice d’Iran. Derniers feux d’un domaine dédié aux femmes.

Par Jérémie Benoît,
Historien de l’art et conservateur en chef au musée national du château de Versailles chargé du domaine de Trianon

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