Le château de Versailles célèbre cette année l’établissement définitif
de la république, il y a cent cinquante ans. Là précisément où la monarchie a connu son apogée est née notre démocratie. Apparent paradoxe.

Vue sur le pavillon Gabriel, au château de Versailles, depuis la grille d’honneur. © EPV / Didier Saulnier
En ce début d’été, dans le prestigieux hémicycle du Congrès, une femme se lève et saisit le micro : « Choisir le château de Versailles, est-ce un acte symbolique ? » Dans un costume aussi clair que la voix qui l’interpelle, l’homme à la tribune répond : « C’est symbolique, et c’est réel aussi. Nous n’habitons pas les symboles. » Puis, l’œil en coin : « J’ai lu dans un journal : “Ce n’est pas très républicain, tout ça !” Mais le peuple de Paris est aussi venu à Versailles ! Il y a même rencontré les monarques dans des jours difficiles… J’ajoute que la République, ici, est dans ses meubles. Ça fait un bout de temps ! »
L’homme s’appelait François Mitterrand. La journaliste travaillait pour Le Parisien libéré. Nous étions le 5 juin 1982, quand la République française recevait à Versailles les sept pays les plus industrialisés.

Vue sur la salle du Congrès, au château de Versailles.
© EPV / Sébastien Giles
Lieu symbolique par excellence
Selon une approche sémiologique pourtant, la particularité des symboles s’avère justement de conférer une réalité concrète au signe auquel il renvoie. En ce sens, le château de Versailles matérialise assurément la puissance. Ainsi vont les lieux de pouvoir : désignés comme tels par les autorités publiques, ils comptent parmi les symboles les plus partagés d’une société donnée. Compris par tous, ils établissent en communauté le groupe humain qui les crée. À ce titre, ils sont pleinement des « lieux communs ». Versailles ne faillit pas à la règle et, d’une certaine façon, la sublime tant la puissance publique l’a mué en œuvre d’art totale : son enveloppe (architecture et ornements), ce qu’il renferme (décors et collections), sa topographie même (aménagements et perspectives), tout est œuvre d’art à Versailles. Jamais plus qu’ici, la monumentalisation de l’espace n’a donné à voir la magnification de l’autorité elle-même.
« Un creuset fondant tous les régimes »
Comment toucher tant d’incandescence sans s’y brûler ? Après la Révolution, Napoléon puis Louis XVIII songent un temps à s’installer au château de Versailles avant d’y renoncer. C’est donc Louis-Philippe, duc d’Orléans, qui réinvestit le symbole. Il l’institue en musée « à toutes les gloires de la France ». Tel un creuset fondant tous les régimes, le lieu du pouvoir absolu devient le lieu absolu du pouvoir… et cependant toujours inhabité.

Vue sur la salle du Congrès, au château de Versailles. © EPV / Sébastien Giles
À près d’un siècle de distance, la République devait le repeupler. Au lendemain confus de la guerre de 1870, l’Assemblée nationale prend ses quartiers à l’Opéra royal. Là, le 30 janvier 1875, l’amendement Wallon fait basculer la France dans la république. Non sans hésitation : une voix suffit à décider de la nature du nouveau régime, comme un écho lointain à la seule voix qui arrêta le sort du dernier roi de l’Ancien Régime… Depuis, toutes les républiques ont résidé à Versailles, les parlementaires pour s’y réunir, les présidents pour y être élus. Jusqu’à la Ve République, la nôtre, qui siège au palais quand il s’agit de modifier son cœur battant : notre Constitution. Étonnante permanence des lieux de pouvoir.
Louis-Samuel Berger,
administrateur général adjoint et coordonnateur de l’année commémorative 1875-2025
Cet article est extrait des Carnets de Versailles n°26 (avril – septembre 2025).
À VOIR
La salle du Congrès et l’appartement du président du Congrès
Horaires : tous les week-ends et jours fériés, en visite libre et en visite guidée,
de 10 h à 18 h 30. La semaine, en visite guidée.
L’aile de Trianon-sous-Bois, au Grand Trianon
Horaires : tous les week-ends, en visite libre et en visite guidée, de 12 h à 18 h 30.
La semaine, en visite guidée.
Billets : la salle du Congrès est accessible avec le billet Passeport, le billet Château,
ainsi que pour les bénéficiaires de la gratuité. Réservation horaire obligatoire.
L’aile de Trianon-sous-Bois est accessible avec le billet Domaine de Trianon.
Le domaine de Versailles est accessible gratuitement et en illimité avec la carte
« 1 an à Versailles ».
AUTOUR DE L’ÉVÉNEMENT
Des visites guidées sur réservation par téléphone au 01 30 83 78 00 ou en ligne.
Une visite théâtralisée en famille.
Un procès fictif pour les étudiants et jeunes adultes.
Un parcours audio à télécharger gratuitement sur l’application mobile.
Deux vidéos sur la République au château et comment celui-ci est devenu un lieu républicain, disponibles sur le site internet et la chaîne YouTube du château de Versailles.
Une programmation spécifique pour les abonnés « 1 an à Versailles ».
POUR EN SAVOIR PLUS
Un colloque sur la République à Versailles, le 4 juin, gratuit et ouvert à tous,
dans la salle du Congrès. Informations et inscriptions sur le site du château.
Un partenariat avec LCP-Assemblée nationale pour les vingt-cinq ans de sa création.
Deux programmes courts multidiffusés sur LCP et disponibles sur lcp.fr ainsi que sur la chaîne YouTube de LCP narrent l’histoire de ces événements et de ces lieux qui continuent d’abriter les réunions du Congrès.
Pour les Journées européennes du patrimoine, les 20 et 21 septembre prochain, la salle du Congrès et l’appartement du président du Congrès seront ouverts gratuitement ainsi que les salles Empire adjacentes.