magazine du château de versailles

Airs sortis de l’oubli
par Philippe Jaroussky

L’une des magnifiques voix que Versailles connaît de longue date nous invite à revivre l’époque effervescente de la musique baroque, à travers un récital d’airs oubliés du XVIIIe siècle. Le 2 décembre, le contre-ténor Philippe Jaroussky partagera ses coups de cœur, dans l’Opéra royal, à tout amateur de séduisantes découvertes…

Philippe Jaroussky © Marco Borggreve

Que signifie pour vous ce récital d’airs que vous sortez de l’oubli ?

« La préparation de ce récital était primordiale pour moi. Je suis revenu à deux de mes premières amours en tant que contre-ténor : ma fascination pour l’histoire des castrats, et ma très grande curiosité pour les pièces oubliées − pour lesquelles il m’est déjà arrivé de faire des recherches de plus de trois ans. Aussi, je souhaitais compléter toute la discographie sur laquelle j’ai pu travailler depuis le début de mon aventure. Je me suis alors intéressé au baroque tardif : j’ai choisi la musique italienne, mais en termes de période, elle reste versaillaise dans l’âme ! Enfin, pour choisir de beaux extraits, je me suis référé au texte : les descriptions de sentiments et d’émotions sont les passages où le compositeur se dépasse pour les exprimer par la musique, ce sont les climax de l’opéra… Les airs sont acrobatiques, l’écriture orchestrale s’enrichit de cordes, de hautbois, ouvrant une transition vers le classicisme. L’affinité très classique de Julien Chauvin et du Concert de la Loge dans cette aventure me plaît particulièrement. »

Vous donnez treize concerts pour cette tournée, et tous dans une atmosphère différente. Quelle spécificité, pour vous, aura votre récital à Versailles ?

« J’ai toujours aimé l’exercice du récital, plus que la mise en scène en opéra. J’aime avoir le temps d’installer des choses, de poser ma voix : cela me rend plus à même de défendre et partager mes coups de cœur. Je savoure chaque minute au milieu de l’orchestre et son énergie qui me porte, c’est là où je suis le mieux ! Je me sens comme une antenne, là pour transmettre en toute authenticité. À mes débuts à l’Opéra royal de Versailles, j’avais eu du mal à trouver et à m’approprier l’acoustique. Mais plus je chante là-bas, plus ma voix s’installe facilement dans la salle : on anticipe mieux, on est plus rassuré. Se produire à Versailles, dans ce décor majestueux où résident en symbiose les grâces et les évocations de ce qui est chanté, est tout simplement fabuleux. Le public rêve davantage dans un lieu qui le plonge quelques siècles auparavant. Et les murs de cet opéra évoquent la présence d’énormément de choses, tout en offrant une véritable intimité. J’aime alors m’imprégner de la magie de chaque moment ! »

Comment retraceriez-vous votre aventure dans le monde de la musique ?

« Je n’ai pas grandi dans ce monde-là, mes parents ne sont pas musiciens. J’ai commencé la musique au collège, et me suis lancé dans l’apprentissage de l’écriture musicale, du piano et du violon au Conservatoire à rayonnement régional de Versailles. C’est à 18 ans que j’ai commencé à chanter, et c’est là que j’ai découvert qu’un immense champ de liberté s’offrait à moi. Quelques années après, certaines rencontres déterminantes et ce que j’ai appris de mon parcours m’ont motivé à créer mon propre ensemble, et depuis 2017, mon académie musicale à Boulogne-Billancourt, projet dont je suis le plus fier. Nous donnons à de jeunes talents l’opportunité de découvrir la musique classique, notamment à travers des semaines de masterclass, pour former les professionnels mais aussi le public de demain. Je suis heureux également de vivre une deuxième carrière en tant que chef d’orchestre : cette reconversion est un tournant majeur qui me fait découvrir les secrets subtils d’un nouvel univers de la musique. »

 

Propos recueillis par Camille des Monstiers.


Airs oubliésPhilippe Jaroussky, récital
le 2 décembre 2023 à l’Opéra royal

Distribution

Philippe Jaroussky Contre-ténor
Le Concert de la Loge
Julien Chauvin Violon et direction

Programme

Johann Adolf Hasse (1699-1783)
Demofoonte :
– Sinfonia – allegro, andantino, presto
– Récitatif : « Ma che vi fece o stelle »
– Acte I, scène 4 : « Sperai vicino il lido » (Timante)
– Acte III, scène 3 : « Misero pargoletto » (Timante)

Fuga et Adagio en sol mineur
Fuga a la breve

Leonardo Leo (1694-1744)
Catone in Utica : Sinfonia – allegro, allegro

Michelangelo Valentini (1720-1768)
La Clemenza di Tito, acte II, scène 15 : « Se mai senti spirarti sul volto » (Sesto)

Tommaso Traetta (1727-1779)
L’Olimpiade :
– Acte II, scène 12 : « Dove son ? Che m’avenne ? »
– Air : « Gemo in un punto e fremo » (Licida)

Andrea Bernasconi (1706-1784)
L’Olimpiade, acte II, scène 5 : « Siam navi all’onde algenti » (Aminta)

Giovanni Battista Ferrandini (1710-1791)
24 Arias, vol. 2 : « Gelido in ogni vena » n°11

Niccolo Jommelli (1714-1774)
Sinfonia periodica en mi bémol majeur – allegro di molto, ciaccona

Johann Christian Bach (1735-1782)
Artaserse, acte II, scène 6 : « Per quel paterno amplesso » (Arbace)

Niccolo Jommelli
Artaserse, acte I, scène 2 : « Fra cento affanni » (Arbace)

mot-clés

partagez

à lire également