Didon et Énée
selon Blanca Li

Peu d’opéras baroques ont suscité tant d’émotions à travers les siècles. Du 17 au 19 mars, à l'Opéra royal, les amours sincères mais malheureuses d’Énée, futur fondateur de Rome, et de Didon, reine de Carthage, seront racontées par la mise en scène intemporelle et abstraite de la madrilène Blanca Li, chorégraphe, danseuse, réalisatrice et directrice d'expositions interactives, à partir de la musique baroque d'Henry Purcell.

Blanca Li © Lalo Cortes

Vous êtes chorégraphe, danseuse, réalisatrice et directrice d’expositions interactives, et depuis 2019, vous êtes installée à l’Académie des beaux-arts et vous dirigez les Teatros del Canal de la Comunidad de Madrid. Considérant vos très nombreuses chorégraphies et mises en scène réalisées jusque-là, qu’est-ce qui décrirait le mieux votre art ?
Blanca Li : Inventer, créer, jusqu’où mon imagination me mène, sans limites, voilà ce que j’aime par-dessus tout. Pour moi, la scène est un lieu d’expression qui explore l’universalité des émotions, et je me mets au défi de les transmettre par la danse. Je me demande toujours quel est le sens profond de l'œuvre et la raison pour laquelle elle a été créée, et quelles sont ses intentions fortes. De là naît un désir très palpitant de trouver comment la valoriser, sachant que chaque choix de mouvement, de décor ou de lumière doit être en cohérence avec l’intention et le sens escomptés. Concernant la danse, je crois qu’il n’y a rien de plus magnifique que le corps pour exprimer des émotions. Il s’exprime très bien seul et n’a pas besoin de paroles. Il dit ce que chacun a déjà pu ressentir. Je dirais que cette conviction m’anime depuis les premiers pas de mon aventure dans l’univers de la danse. Après avoir étudié la danse moderne à New York, j’ai découvert le hip-hop et tout un foisonnement de cultures différentes. Puis, je me suis passionnée pour la danse contemporaine et j’ai fondé ma compagnie à Paris en 1992. J’étais lancée pour de bon…

Didon et Énée à Madrid © Teatros del Canal Pablo Lorente

Dans votre nouvelle création Didon et Énée, qui mêle admirablement le burlesque et le tragique, quelle originalité spécifique avez-vous choisi d’offrir aux spectateurs ?
Blanca Li : J’ai voulu traiter ce « mini opéra » baroque d’Henry Purcell comme un opéra-ballet. Ainsi, le chant, la musique et la danse sont au même niveau pour raconter l’œuvre. Il n’y a pas un ballet et une musique en fond, mais plutôt un travail à plusieurs mains, où près d’une trentaine d’artistes – chœur, orchestre et six danseurs compris – partagent la scène pour transmettre l’histoire. En chorégraphiant Didon et Énée, j’ai voulu m’extraire de la narration pure afin de ne pas doubler ce que le texte raconte déjà très clairement, pour plutôt capter et magnifier ce que ressentent les personnages à chaque moment. Je souhaite aller au bout de chaque émotion, et exprimer ce que la musique et le texte ne disent pas. Dans cette création, c’est l’amour qui prime, auquel s’ajoutent trahison, incompréhension, orgueil et peur… Ces émotions, par leur universalité, doivent pouvoir toucher le cœur du public. Elles ont une résonance actuelle, et elles évoquent, de manière intemporelle, les heurs et malheurs des êtres humains du XXIe siècle. Cela m’a donc donné une grande liberté pour créer la danse, et j’ai voulu rendre hommage à la beauté et la délicatesse de la musique, sans aucune interférence, mais avec l’espoir de la sublimer.

Didon et Énée à Madrid © Teatros del Canal Pablo Lorente

Est-ce la toute première fois, en mars, que vous viendrez à l’Opéra royal de Versailles avec vos danseurs ?
Blanca Li : Oui, c’est la première fois, et je suis très honorée d’avoir cette chance. Versailles est un lieu qui me plaît beaucoup, et qui, pour moi, abrite une magie particulière. J’y ai animé il y a quelques années un bal masqué : l’atmosphère y est très fascinante. En mars, pour Didon et Énée, je ne viendrai pas seule ! L’équipe artistique avec laquelle je travaille est très importante à mes yeux et sert cette création avec talent : je salue la réflexion dramaturgique de Pierre Attrait, mais aussi Pascal Laajili pour les diverses atmosphères – mystérieuses, intimes, dramatiques ou solennelles – créées par ses jeux de lumière, Evi Keller pour son décor abstrait, résolument moderne et technologique, et Laurent Mercier pour les costumes puissamment évocateurs. Cette nouvelle production a vu le jour à Madrid et sera aussi donnée à Barcelone et Compiègne.

Propos recueillis par Camille des Monstiers.

Didon et Énée à Madrid © Teatros del Canal Pablo Lorente


Purcell : Didon et Énée, opéra mis en scène,
du 17 au 19 mars à l'Opéra royal

Nouvelle production

Helen Charlston Didon, Reine de Carthage
Ana Vieira Leite Belinda, sa sœur
Renato Dolcini Énée, Prince de Troie, Magicienne
Maud Gnidzaz Première sorcière
Virginie Thomas Deuxième sorcière, deuxième femme
Jacob Lawrence Marin
Michael Loughlin Smith Un Esprit
Clément Debieuvre Alto
Padraic Rowan Basse
Daniel Brant Alto
Christophe Gautier Basse
Alizée Duvernois, Coline Fayolle, Gael Rougegrez, Julien Marie-Anne, Meggie Isabet et Victor Virnot Danseurs

Les Arts Florissants Chœur et orchestre
William Christie Direction musicale
Compagnie Blanca Li
Blanca Li Mise en scène et chorégraphie
Déborah Torrez Garguilo et Glyslein Lefever Assistantes chorégraphe
Pierre Attrait Dramaturgie
Evi Keller Scénographie création Matière-Lumière
Sculptures-costumes des chanteurs solistes en collaboration avec Laurent Mercier
Pascal Laajili Lumières
assisté de Jean-Luc Passarelli et Boris Pijetlovic
Laurent Mercier Costumes
assisté de Ghjulia Giusti Muselli
Chloé Bellemère Assistante scénographe

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