Un dernier
lever de soleil

Ces derniers jours étaient démontées et emportées pour restauration toutes les sculptures de plomb composant le centre du bassin d’Apollon, au cœur des jardins de Versailles.

Le char d'Apollon gruté dans les airs pour être chargé sur le camion qui l'emmènera dans les Ateliers Saint-Jacques. © EPV / Didier Saulnier

Dans la brume automnale, Apollon s’est élancé une dernière fois pour de long mois. Il a même atteint le ciel un bref instant avant de rejoindre la plateforme d’un camion qui l’emmènera bien au-delà de sa course, dans des ateliers de restauration. L’ont suivi les magnifiques chevaux, tritons et dauphins, quatre par quatre, qui composent, avec un amour, le groupe sculpté gigantesque ornant le plus ancien bassin du domaine de Versailles. Creusé dès l’époque de Louis XIII, dans les années 1630, celui-ci devait clore une première perspective qui s’est ensuite élargie, soulignée par le Tapis vert.

Mise en place d'une passerelle pour accéder aux sculptures et les démonter en vue de leur restauration. © EPV / Didier Saulnier

Depuis quelques jours, une passerelle d’accès prenait forme au-dessus de l’eau pour atteindre les statues et les préparer au voyage. Destination : les Ateliers Saint-Jacques, à Coubertin, où elles seront restaurées en vue des Jeux Olympiques 2024. En effet, « ce bassin formera le plus spectaculaire des arrière-plans pour les épreuves équestres qui se tiendront ici, à l’extrémité du Grand Canal », rappelle Catherine Pégard, Présidente du château de Versailles, venue assister à ce lever de soleil tout à fait singulier.

© EPV / Didier Saulnier

Un ensemble remarquable à bien des égards

Le soleil, Louis XIV y voyait, selon ses propres mots, « la plus vive et la plus belle image d’un grand monarque »1. Le roi organisa ainsi l'ensemble des jardins de Versailles à l’aune du dieu Apollon. « Les treize sculptures du bassin ont marqué ce programme iconographique complètement original », précise Jacques Moulin. L’architecte en chef des Monuments historiques veillant sur ces chefs-d’œuvre évoque avec humour le contexte des années 1660 durant lesquelles peu d’artistes français sont capables d’entreprendre des sculptures aussi monumentales et, qui plus est, sous la houlette d’un Charles Perrault jugé trop autoritaire. Louis XIV s’adresse donc à un sculpteur italien : « Jean-Baptiste Tuby crée, entre 1668 et 1671, quelque chose de totalement inédit en France, sous la forme d’une paraphrase en trois dimensions d’un plafond peint à Rome par Guido Reni ».

La fresque de L'Aurore peinte par Guido Reni se trouvant dans l'actuel Palazzo Rospigliosi-Pallavicini, à Rome. © DR

Travailler le plomb et le sublimer

Autre particularité, les sculptures sont réalisées en plomb, et non en marbre ou en bronze. Elles présentent donc des faiblesses dues à leurs vides, les formes étant maintenues à l’intérieur par des structures en fer forgé qui rouillent au contact de l’eau. Un siècle après leur création, l’une d’entre elles dû être remplacée et l’on ne compte pas les interventions qui se sont succédé au fil des années pour préserver la vigueur des coursiers et le souffle puissant des tritons. « Aujourd’hui, les restaurateurs vont travailler à cet ensemble extraordinaire après avoir accumulé une expérience unique, acquise notamment auprès des grands chantiers versaillais du bassin de Latone, restauré en 2015, et du buffet d’Eau de Trianon, que l’on redécouvrira au printemps », conclut Jacques Moulin. C’est désormais équipées d’armatures inoxydables, leurs surfaces remises en état et illuminées par la dorure que les sculptures reviendront, impérieuses, commander de nouveau l’aurore à Versailles.

Lucie Nicolas-Vullierme,
rédactrice en chef des Carnets de Versailles

1. Dans ses Mémoires pour l’instruction du Dauphin.

La restauration du bassin d’Apollon et de ses abords est rendue possible grâce au mécénat du groupe CMA CGM.

Les autres composantes du groupe sculpté, chevaux et tritons, en attente d'être embarqués. On remarque les altérations de leurs surfaces. © EPV / Didier Saulnier

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