Marie-Antoinette
face à son image

Bien des peintres se sont essayés à portraiturer Marie-Antoinette, mais peu d’entre eux ont donné satisfaction. Ainsi de Joseph-Siffred Duplessis, avec cette huile sur toile montrant la toute jeune dauphine.

                                                                                                © Château de Versailles / C. Fouin

Après quatre ans de pourparlers, le prince de Kaunitz et le duc de Choiseul décidaient de consolider la paix entre la France et l’Autriche par une alliance matrimoniale, scellant le destin de Marie-Antoinette qui allait épouser le dauphin Louis Auguste, petit-fils de Louis XV. Quand, en 1770, la France en liesse accueillit sa nouvelle dauphine, peintres, sculpteurs, graveurs et miniaturistes ambitionnèrent de faire son portrait.

Un réalisme qui a déplu

Ce fut à l’académicien Louis-Michel Van Loo (1707-1771), jadis premier peintre de Philippe V, roi d’Espagne, que cet honneur échut. La mort le saisit, laissant son œuvre inachevée. Jean-Baptiste Marie Pierre (1713-1789), premier peintre du roi et directeur de l’Académie royale de peinture, suggéra alors le nom de Joseph-Siffred Duplessis (1725-1802), membre de l’Académie royale de peinture et de sculpture depuis 1769, dont la renommée de portraitiste était déjà bien établie.
Après avoir esquissé le visage de la dauphine, le peintre, loué pour la vérité de ses portraits, livra une effigie dont le réalisme déplut à Marie-Antoinette. L’expert en ressemblances avait en effet brillamment décrit les traits de la dauphine. Le teint et le port de tête remarquables, le traitement habile et fouillé de la coiffure du prestigieux modèle ne pouvaient faire oublier ses yeux globuleux, son front bombé, sa lèvre autrichienne et son lourd menton, hérité de sa lignée Habsbourg. Dans sa seizième année, la jeune épouse du duc de Berry rejeta le naturel de ce portrait en buste.
Bien des peintres, après Duplessis, se heurtèrent encore au périlleux exercice de plaire à cette dauphine, éternelle insatisfaite de son image. Ce ne fut en effet qu’en 1778 que Marie-Antoinette, alors reine, reconnut dans l’art de Mme Vigée Le Brun la représentation qu’elle souhaitait laisser à la postérité.

Premier portrait sur le sol français

S’il montre le vrai et tout jeune visage de la dauphine par un peintre qui ne flattait pas ses modèles, le portrait de Marie-Antoinette, acquis à l’encan en novembre 2021, constitue un jalon essentiel de la fabrique de l’image de la future souveraine : il est, en effet, sa première effigie sur le sol français. C’est aussi une oeuvre inédite qui, jusqu’alors conservée dans une collection particulière, était désignée par ses anciens propriétaires comme « la petite marquise ».
Grâce à la générosité de la Société des Amis de Versailles, cette effigie offre aussi au château l’opportunité de se doter d’un nouveau tableau de Duplessis, artiste important pour l’institution à plus d’un titre puisqu’il fut également conservateur des collections du château de 1794 à sa mort, en 1802.

Gwenola Firmin, conservateur en chef au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.

 

L’acquisition de Marie-Antoinette (1755-1793) dauphine a été rendue possible grâce au mécénat de la Société des Amis de Versailles, avec le soutien de la Fondation du patrimoine.

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