Versailles au noir

Il faut être imprégné de Versailles pour oser photographier ces lieux en pleine nuit. Seul Patrick Hourcade, scénographe de deux grandes expositions au Château – XVIIIe, aux sources du design et Fêtes et divertissements – pouvait se le permettre. Il sublime, avec sa propre alchimie, le mystère d’endroits tant traversés.

Les photographies de Patrick Hourcade, logées dans des boîtes noires, tels des reliquaires. © EPV / Didier Saulnier.

« J’aime la nuit. Par son enveloppe, elle focalise sur l’essentiel et tout y devient plus accessible. Regarde le Belvédère. Là, pris dans les ombres des arbres qui l’environnent, il t’appartient. » Patrick Hourcade lui-même ne se lasse pas de s’émerveiller de ces instants captés dans l’obscurité froide de l’hiver où surgissent quelques lueurs éparses. Parfois, c’est le crépuscule ou l’aube sur lesquelles s’esquissent la silhouette d’un bosquet ou l’horizon d’une allée. Souvent, c’est la nuit noire, juste ourlée d’un lampas doré ou d’un ornement ciselé.

À la manière du chat du Roi

L'artiste connaît parfaitement bien Versailles. Il accompagne ses clichés de petites histoires pleines de drôlerie, imaginées à partir des lieux, comme des apartés. Le photographe a pris le temps de faire ces prises de vue, revenant plusieurs fois, durant deux ans et demi, en faisant, comme il le raconte malicieusement, « le chat du Roi », glissant en silence le long des couloirs du Château, rôdant dans le parc, tous les sens en éveil, yeux luisants dans le soir.

Sur des chevalets, dans l'intimité du Petit Trianon. © EPV / Didier Saulnier.

Une nuit à laquelle la technique de Patrick Hourcade donne toute son épaisseur. Le photographe se sert de plaques de métal contre lesquelles le papier, après avoir été grassement imprimé, est tiré. Dilaté, comme à fleur de peau, il livre jusqu’à la dernière goutte de ce qui constitue le lieu, et réagit au moindre effet de lumière. Les photos, encadrées de boîtes noires, sont hors d’elles, le dessin d’un treillage ou de l’autel de la Chapelle comme tracés dans du graphite. « Ça a l’aspect du pastel, mais c’est beaucoup moins fragile », précise Patrick qui aime à brouiller les pistes, en croisant les genres, pour mieux concentrer le regard.

© EPV / Didier Saulnier.

Dans les soubassements du Petit Trianon, contre la pierre claire du réchauffoir ou des fruiteries, ces clichés totalement inattendus, à partir de lieux bien connus, captent de Versailles une dimension onirique perdue dans la profusion des images. Grâce au dépouillement de la nuit, ils trônent, protégés de toute contingence, souverains.

Lucie Nicolas-Vullierme,
rédactrice en chef des Carnets de Versailles


À VOIR

Versailles nuit,
photographies de Patrick Hourcade présentées au Petit Trianon
jusqu'au 21 novembre 2021
Du mardi au dimanche, de 12h à 18h30

 

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