Le Grand Contrôle
et ses hôtes :
aujourd'hui

Récemment inauguré, l’hôtel Airelles Château de Versailles a ouvert ses portes au pied des Cent-Marches. Le Grand Contrôle a été aménagé à destination d’une clientèle haut de gamme. Sans faire de concessions, bien sûr, au détriment du caractère historique et patrimonial des lieux qui abritaient autrefois les ministres des Finances, puis l’Armée.

Dessin d'ambiance pour les chambres du Grand Contrôle, meublées avec du mobilier datant du XVIIIe siècle. © Agence Christophe Tollemer.

Le château de Versailles a confié1 les bâtiments du Grand Contrôle, du Petit Contrôle et le pavillon des premières Cent-Marches aux Airelles, pour qui vous avez conçu ce projet. Dans quel esprit ?

Christophe Tollemer : S’est imposée l’idée d’offrir un véritable moment d’histoire aux clients de l’hôtel : qu’ils s’y trouvent emportés, dès le seuil, au pied de l’un des monuments les plus fameux au monde. Ces clients dorment au Château, rendez-vous compte, auquel ils ont un accès direct en passant par l’Orangerie !

Terrasse de l'hôtel donnant sur les Cent-Marches. © Renée Kemps.

Pour leur faire remonter le temps, nous nous sommes fixé une date précise : 1788, un chiffre qui a du sens, paraît-il, au Moyen-Orient et en Asie d’où viendront, notamment, les futurs hôtes du Grand Contrôle. Tout l’aménagement intérieur des bâtiments s’y réfère, à travers le mobilier de l’époque et les décors qui en sont directement inspirés.
Il était exclu, en revanche, de copier le décor du Château, ce qui aurait trahi l’histoire de cet endroit. Dans le Grand Contrôle, occupé par des financiers très sérieux, il n’y avait pas de moulures dorées ni de panneaux de marbre sur les murs. C’était plus simple, et nous avons finalement opté pour le Petit Trianon comme intérieur de référence : une demeure royale de Versailles, certes, mais dans l’esprit de la fin du XVIIIe siècle.

Vue perspective de l'ensemble du projet de rénovation de l'hôtel du Grand Contrôle jouxtant l'Orangerie de Versailles. © Agence Christophe Tollemer.

Subsistait-il des espaces d’origine à préserver, et comment ceux-ci ont-ils été intégrés dans le projet ?

Les bâtiments s’étaient, au fil du temps, délités, notamment lors du passage de l’Armée, à une époque où l’on était moins sensible aux questions de patrimoine. Bien entendu, le ministère de la Culture a veillé à la conservation du moindre élément authentique à travers l’expertise de Pierre Bortolussi, architecte en chef des Monuments historiques, qui fait partie de notre équipe.

Chambre Madame-de-Staël. © Renée Kemps.

L’essentiel du rez-de-chaussée du Grand Contrôle a été organisé suivant les volumes d’origine, à partir de trois pièces en enfilade qui forment les salons et la salle à manger de l’hôtel. Le grand vestibule d’entrée, les escaliers, l’ancienne antichambre qui sert de salon d’appoint, tous ces espaces ont retrouvé leurs dimensions et leur grandeur passées. Les cheminées ont été restaurées ou restituées avec les mêmes marbres. Enfin, le long couloir qui menait au Château et tombait en ruines a été entièrement reconstruit.
Cette opération redonne donc tout leur lustre à ces lieux, mais en les adaptant, bien sûr, à l’exploitation hôtelière selon des normes très strictes. Que de contraintes, entre les enjeux financiers endossés par mon client, la méticulosité des archéologues et de la Drac Île-de-France, les exigences pratiques et fonctionnelles légitimes de nos hôtes et, enfin, mes propres convictions pour que cet hôtel réponde à nos espérances !

Vous parlez de mobilier et de décoration de l’époque. Dans quelle mesure ?

Il se trouve que les archives concernant ces lieux donnent de nombreuses précisions. Elles ont permis, notamment, de restituer l’ancienne chambre de la marquise de Fouquet qui a repris ses couleurs initiales. Le mobilier de l’hôtel est authentique : tapis d’Aubusson, consoles Louis XVI, tables de tric-trac, candélabres, etc. Pour réunir ces objets – plusieurs centaines – une experte, membre de la Commission consultative des trésors nationaux et commissaire-priseur, s’est lancée dans une véritable chasse au trésor en parcourant les salles des ventes et les antiquaires. Elle a également choisi les tableaux, des originaux de grande qualité.
Quant aux tentures, totalement inédites, elles sont directement tirées des archives de l’éditeur et fabricant Pierre Frey. Tissus d’ameublement, rideaux, baldaquins plongent les clients dans l’ambiance gracieuse du XVIIIe siècle. Sans déroger à l’ordre hiérarchique qui s’imposait dans les décors : le premier étage, le plus luxueux, réservé aux « princes » et le second, aux autres grands de France.

Chambre de la grande suite Necker. © Renée Kemps.

Il fallait néanmoins répondre aux exigences d’une clientèle fortunée, habituée à ce que l’on soit aux petits soins avec elle…

Et le service, exceptionnel, répond aux attentes de cette clientèle, avec piscine, spa et restauration orchestrée par Alain Ducasse, mais, dans cet endroit extraordinaire, elle vient expérimenter quelque chose d’unique. Bien sûr, nous avons respecté les usages de notre temps. On ne dort pas quasiment assis dans les lits qui ne se trouvent pas, comme autrefois, plaqués de tout leur long contre les murs ! Et les salons comportent des tables basses, si prisées aujourd’hui, sous forme de tabourets accolés, comme on en trouve partout dans le Château.
En revanche, pour une complète expérience, parti a été pris de dissimuler les nouvelles technologies et de ne pas équiper les chambres d’écrans. Et les parquets craquent, comme dans les vieilles demeures : cela m’importe beaucoup, de même que l’éclairage, imitant celui de la bougie, avec une intensité de lumière comparable. Ainsi peut-on se transporter au siècle de Jacques Necker, Mme de Staël ou Frédéric Nepveu dont le souvenir irradie ces lieux.

Propos recueillis par Lucie Nicolas-Vullierme.

1. Sous forme d’AOT, Autorisation d’Occupation Temporaire du domaine public : concession sur quarante ans qui permet de remettre en état les bâtiments et de percevoir une redevance en échange de l’exploitation hôtelière des lieux en question.

L'entrée de l'hôtel à la tombée de la nuit. © Renée Kemps.

Toute l’information sur l’hôtel Airelles château de Versailles : airelles.com

 

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