L'immortalité
d'un vieil homme

Un buste par Louis-Claude Vassé, acquis en 2018 par le château de Versailles, illustre dans le marbre la postérité du médecin de Madame de Pompadour, puis premier médecin ordinaire du Roi Louis XV, François Quesnay.

François Quesnay, par Louis-Claude Vassé, buste en marbre, 1770, H. 67 ; L. 37 ; l. 30 cm. Acquisition 2018 du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. © Château de Versailles, Dist. RMN / © Christophe Fouin.

Daté de 1770, exposé au Salon de 1771, le buste en marbre de François Quesnay (1694-1774) s’impose par son exceptionnelle qualité. Le sculpteur Louis-Claude Vassé (1716-1772) a fait preuve d’une grande virtuosité, qui lui a permis de traduire au mieux la spontanéité du modèle, alors âgé de 76 ans. Regard vif – même si les yeux ne sont pas incisés – et bouche entrouverte, sur le point d’engager une conversation, le portrait de Quesnay montre un homme encore pleinement maître de ses capacités intellectuelles, d’un esprit supérieur même, dont le front est largement mis en valeur.

L’un des précurseurs de la science économique

Surtout, le sculpteur donne une vision à l’antique, quasi intemporelle, d’un homme dont la pensée était appelée à traverser les siècles : il l’a représenté en philosophe, tête nue, sans habit, avec seulement une mince draperie et une sorte de baudrier lui barrant la poitrine. C’est qu’après une brillante carrière de médecin qui l’a conduit au chevet du roi Louis XV, François Quesnay a participé à l’élaboration d’une école considérée comme fondatrice de la science économique, la physiocratie. Il en a formulé les principes dans le Tableau économique de la France, publié en 1758. Tout en faisant l’éloge de l’agriculture et de la propriété foncière comme principales sources de richesse du pays, il y développe la théorie du « laissez faire, laissez passer », mot d’ordre du libre-échange.

Un entresol du Château à son nom

François Quesnay a donc vécu et est mort à Versailles où il disposa longtemps d’un logement relié à l’appartement de Madame de Pompadour au rez-de-chaussée du corps central du Château, côté nord : le fameux entresol de Quesnay, situé au-dessus de l’actuelle salle des Hoquetons. Né à Méré, près de Montfort-l’Amaury, en juin 1694, cet homme d’une grande bonté était le fils d’un simple laboureur. Il s’était installé comme chirurgien à Mantes-la- Jolie en 1718. Protégé du maréchal Louis de Noailles, secrétaire de l’Académie royale de chirurgie, il entra au service de la favorite royale en 1749. En même temps, il fut nommé médecin consultant de Louis XV, puis, en 1752, premier médecin ordinaire du Roi, qui l’appelait son « penseur ».

Exposé à proximité de l’appartement de Madame de Pompadour, le buste de Quesnay est appelé à rendre visible et, pour ainsi dire, plus vivante la présence à la Cour d’un esprit attachant, novateur et supérieur. Outre qu’il est venu étoffer de manière significative un ensemble de figures philosophiques déjà présentes au sein des collections du Château, ce buste constitue un véritable chef-d’œuvre du portrait sculpté.

Alexandre Maral,
conservateur général au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon


Louis-Claude Vassé (1716-1772)

Sculpteur prolixe, Louis-Claude Vassé a été formé par son père, François-Antoine. Après avoir obtenu le premier grand prix de sculpture en 1739 – ce qui lui valut de séjourner à Rome de 1740 à 1745 –, Vassé fut reçu à l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1751.

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