Les dix saisons

L’Opéra royal de Versailles résonne depuis maintenant dix ans de la musique baroque qui en fait une scène aujourd’hui reconnue dans le monde entier. Laurent Brunner, qui le dirige, retrace cette aventure.

Marie-Antoinette, en mars 2019 à l'Opéra royal. Ballet chorégraphié par Thierry Malandain. © Château de Versailles Spectacles / Olivier Houeix.

Lorsque, en 2009, l’Opéra royal a rouvert après deux ans de travaux, son destin n’était pas tracé. Pour ma part, ayant passé de nombreuses années à diriger des lieux de spectacle, je ne pouvais imaginer que celui-ci n’ait aucune programmation régulière. Sans budget dédié, j’en conçus une à court terme, attendant de voir comment le public allait réagir et comment cette salle allait se déployer en l’absence de toute subvention, ce qui en fait, toujours aujourd’hui, une exception française.

Mon expérience m’a fait comprendre les contraintes spécifiques d’une telle salle, notamment sur le plan technique. Le dispositif « contrebalancé » du plateau de scène implique que les décors y soient manœuvrés manuellement par des cintriers et non pas levés électriquement comme dans la plupart des théâtres plus récents. Cela suppose un travail humain considérable, que récompense la précision de cette manipulation à l’ancienne. Ainsi a débuté l’aventure, chaque saison produisant sa récolte d’éblouissements et de paris tenus.

« Éblouissements et paris tenus »

Philippe Jaroussky. © Château de Versailles Spectacles / Josef Fischnaller.

Dès 2010, Le Bourgeois Gentilhomme façon Benjamin Lazar et Vincent Dumestre prônait l’exigence du répertoire baroque, si possible français, sur des instruments anciens. Quant au récital de Philippe Jaroussky dans la galerie des Glaces, ce fut la première captation d’un spectacle miraculeux.

En 2011, l’emblématique Atys, de Lully, retrouvait sa demeure versaillaise sous la baguette de William Christie, preuve que l’Opéra royal était désormais en capacité d’accueillir des productions lourdes et complexes. Pour Noël, Angelin Preljocaj chorégraphia Blanche Neige, ouvrant la programmation à la danse qui tient dorénavant une place régulière.

 

 

En 2013, le King Arthur de Purcell, par Hervé Niquet, Shirley et Dino, était repris une seconde fois et devait connaître deux autres sessions. En juin, c’est une surprise que nous fit Cecilia Bartoli. Venant de filmer à Versailles son programme Mission, elle l’offrit en concert à l’Opéra royal, puis à la Chapelle, et enfin dans la galerie des Glaces, en une seule soirée : inimaginable, sauf à Versailles !

Artaserse de Vinci. © Château de Versailles Spectacles / Julian Laidig.

 

2014 vit les représentations triomphales de l’opéra Artaserse, de Vinci, avec la découverte de Franco Fagioli, au sommet de son art, bissant son grand air devant un public venu de l’Europe entière.

L’été 2015, La Nuit des Rois, de Jordi Savall prenait place dans le Château. Le maître joua de la viole de gambe au balcon de la chambre du Roi tard dans la nuit, à la grande émotion de Jean-Pierre Marielle, qui l’écoutait depuis la cour de Marbre… En novembre, pour le tricentenaire de la mort du Roi-Soleil, Raphaël Pichon ressuscitait les Funérailles royales de Louis XIV à la Chapelle, moment d’indicible beauté.

2016 fit sa rentrée, grâce au premier soutien conséquent des Amis de l’Opéra royal (ADOR), dans l’exubérance monumentale de la Messe de Salzbourg de Biber. Václav Luks devait la reprendre en 2018, à Versailles, mais aussi à Rome par le biais de Château de Versailles Spectacles.

Phaéton de Lully, présenté par Vincent Dumestre. © Château de Versailles Spectacles / DR-Andrey Chuntomov.

2018 fut marquée par la tragédie lyrique Phaéton de Lully. Vincent Dumestre la présenta à Perm, en Russie, puis à Versailles, confirmant la place incontournable de l’Opéra royal dans le réseau international des productions d’opéra baroque.

2019 correspond à la création, sur commande, de Thierry Malandain : le ballet Marie-Antoinette, qui va connaître maintenant des centaines de représentations dans le monde entier. En juin dernier, Sébastien Daucé redonnait vie à la musique du sacre de Louis XIV en une cérémonie magnifique. Quant à Gaëtan Jarry, il dirigeait, au cœur de l’été, Les Arts Florissans de Charpentier dans la cour de Marbre : c’était le premier enregistrement de la collection de CD de Château de Versailles Spectacles qui en compte aujourd’hui une vingtaine.

Les Arts Florissans de Charpentier, dirigé par Gaëtan Jarry dans la cour de Marbre.

Des fantômes pour se projeter dans l’avenir

Le spectacle Les Fantômes de Versailles, commandé à John Corigliano pour un autre anniversaire, le centenaire du Metropolitan Opera de New York, met en scène les figures historiques de Marie-Antoinette et de Beaumarchais avec des personnages de fiction comme Figaro et le comte Almaviva. Mozartien en diable, cet opéra contemporain sera, en décembre, le premier joué sur notre scène où il prendra un relief particulier, juste à côté de l’exposition « Versailles Revival ». Avec, pour l’occasion, la mise en place du nouvel Orchestre de l’Opéra royal, une grande première !

Les Fantômes de Versailles, créé par John Corigliano en 1991 et produit, pour la première fois en France, en décembre prochain à l'Opéra royal. © Château de Versailles Spectacles / Karli Cadel.

Croiser un lieu d’exception avec des œuvres qui y trouvent sens et répondent à l’attente du public, voici sans doute l’originalité de l’Opéra royal. Avec un rapport entre la scène et la salle permettant à tous les spectateurs une véritable proximité avec les artistes, ce théâtre, entièrement en bois, a une acoustique de violoncelle. Il se prête merveilleusement aux répertoires des XVIIe et XVIIIe siècles. Ce registre, l’Opéra royal le défend ardemment, avec, depuis cinq ans, le soutien financier des membres de l’Association des Amis de l’Opéra Royal (ADOR), qui sont maintenant plus de trois cents aux côtés des entreprises mécènes. Mais c’est à Catherine Pégard, Présidente du château de Versailles, que revient le mérite d’avoir, avec confiance et volonté, permis et encouragé ce développement exceptionnel.

Ballet royal de la nuit. © Château de Versailles Spectacles / Philippe Delval.

Sur la carte des grands musées français comme étrangers, Versailles est aujourd’hui le seul à proposer une programmation de spectacles d’une telle ampleur et d’une telle variété. C’est aussi la seule résidence royale à faire vivre pleinement en son sein une salle d’opéra. En retour, ces spectacles donnent une résonance particulière aux lieux, d’autant plus lorsqu’ils se produisent à l’intérieur même du Château, dans une intimité qui était celle des courtisans autrefois. De même que les décors de Versailles concentrent les œuvres les plus remarquables de l’époque, de même la musique exhumée pour La Journée de Louis XIV ou Les Couchers du Roi est à considérer comme une acmé à laquelle s’intéresse tout particulièrement l’opéra aujourd’hui. De grands moments d’émotion encore en perspective !

Laurent Brunner,
Directeur de Château de Versailles Spectacles

À l’occasion de ces anniversaires, l’ADOR soutient financièrement cinq productions majeures : Benvenuto Cellini, de Berlioz ; Richard Coeur de Lion, de Grétry ; Les Fantômes de Versailles, de John Corigliano ; Cadmus et Hermione, de Lully ; Platée, de Rameau.

La Flûte enchantée de Mozart chanté en version française. © Château de Versailles Spectacles / Lorraine Wauters.

 


À CONSULTER

Toute l'information sur le site de Château de Versailles Spectacles.


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