Pleins feux
sur un artificier

Metteur en scène et artificier, Christophe Berthonneau, à la tête de Groupe F, écume la planète pour en illuminer les cieux. Rencontre avec ce magicien de la pyrotechnie, qui met le feu à Versailles depuis plus de dix ans.

© Groupe F.

Dans les années 1980, vous fondez votre collectif Groupe F. « F » comme « feu » ?

Christophe Berthonneau : Bien joué ! « F », c’est bien l’initiale du mot « feu » dans toutes les langues indo-européennes : fire, feue, fuego, fuoco, fogo, foc…  Mais Groupe F, c’est d’abord « Groupe », l’histoire d’une bande de copains très allumés qui a trouvé, dans une friche agricole du Gard, un terrain d’aventure et d’expérimentation. Depuis, nous nous sommes installés à Arles, un rocher dans les terres pauvres et inondées de Camargue qui est devenu, grâce à une politique culturelle volontariste, un lieu bouillant de création où se croisent l’art contemporain, les arts de rue, la tauromachie, les traditions provençales et gitanes. Notre collectif fait la synthèse entre les arts vivants, le spectacle au grand air, les technologies de l’audiovisuel et la pyrotechnie la plus moderne. Il compte tous les métiers qui nous permettent de créer, nous-mêmes, nos spectacles, nos décors et nos costumes de lumière.

Dans vos spectacles, les notions de patrimoine et de territoire surgissent toujours : quelle relation entretenez-vous avec le Versailles historique ?

Ch. B. : Le château de Versailles est un site incomparable, richement documenté et dont la fragilité pose de fortes contraintes en matière de scénographie et de sécurité. Chaque création fait l’objet de nombreux repérages, de lectures, de rencontres avec les gens qui œuvrent au quotidien au Château, avec les jardiniers qui préparent le terrain, avec Château de Versailles Spectacles, bien sûr. Puis, Versailles est un lieu où existe une vraie tradition pyrotechnique : Louis XIV a inscrit les feux d’artifice à son patrimoine, avec les fêtes des Plaisirs de l’Île enchantée en 1664. Cette tradition, nos spectacles veulent la faire vivre au XXIsiècle grâce aux outils les plus innovants : costumes de lumière pilotés à distance, gonflables, laser, projections d’images, bande-son, effets spéciaux… Versailles nous appelle toujours à la créativité pour nous hausser à la dimension et à la beauté des lieux. C’est ce que l’on vise depuis notre premier spectacle, La Face cachée du Soleil, donné en 2006 au bassin de Neptune,  jusqu’à aujourd’hui, avec Marie-Antoinette, sur les parterres de l’Orangerie.

En juillet, Marie-Antoinette est à nouveau donné. Comment avez-vous conçu ce spectacle ? 

Ch. B. : Marie-Antoinette est une commande de Château de Versailles Spectacles, sur une idée de Laurent Brunner, son directeur. Il met en scène un texte truffé de références historiques, écrit par Laurent, adapté et dit par Stéphane Bern. Concevoir ce spectacle n’avait rien d’évident, malgré la richesse du personnage et des sources. L’histoire de cette reine bafouée et violentée est tragique de bout en bout : il était impossible d’en rire, comme nous avons pu le faire avec Louis XIV dans le spectacle Le Roi de Feu. Difficile, en effet, de faire d’une tragédie un divertissement… car c’est ce que le public vient chercher dans ces spectacles en plein air. On ne peut pas se permettre de le plomber ! Mais nous avons réussi à en faire un spectacle doux et léger, riche d’interprétations. Car la culture de Groupe F, c’est de ne jamais livrer au public ce qu’il attend : si un spectacle ne fait pas surgir de questions, il est aussitôt oublié.

Propos recueillis par Clotilde Nouailhat.

 

NCHAVANCE © Groupe F, Marie-Antoinette, Versailles 2018.

NCHAVANCE © Groupe F, Marie-Antoinette, Versailles 2018.


À VOIR

Marie-Antoinette. Le destin d'une reine, les 2, 3, 9 et 10 juillet 2020.

 

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