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Quand la Reine rêvait de Chine

Marie Leszczyńska (1703-1768) elle-même y aurait mêlé ses pinceaux. L’acquisition de cet ensemble de huit toiles permettra d’évoquer le « cabinet des Chinois » que la Reine avait placé dans ce lieu qu’elle appelait son laboratoire, au cœur de ses cabinets intérieurs. Itinéraire.

La Foire de la ville de Nankin.© Château de Versailles / Christophe Fouin.

Le « cabinet des Chinois » de la reine Marie Leszczyńska constitue l’un des derniers et rares ensembles peints du XVIIIe siècle encore préservés. Commandés en 1761, ces tableaux nous sont parvenus par descendance directe, depuis leur passage des collections royales à celles de la comtesse de Noailles. Ils viennent d’être acquis par le château de Versailles dans le cadre d’une vente de gré à gré.

1761 : l’installation du « cabinet des Chinois » au Château

Marie Leszczyńska, épouse de Louis XV, fait installer en 1747 un « cabinet chinois » dans son appartement intérieur, à l’emplacement de la future bibliothèque de Marie-Antoinette. Dès 1761, elle décide de le remplacer par un ensemble de toiles dit, cette fois, « cabinet des Chinois ». Les tableaux sont exécutés par cinq peintres du Cabinet du roi : Coqueret, Frédou, de La Roche, Prévost, Jeaurat, ainsi que par la Reine, peintre à ses heures perdues. Le témoignage de Madame Campan, lectrice de Mesdames, minimise toutefois l’implication de la royale artiste : « [La Reine] ne s’était réservé que les draperies et les petits accessoires. » Au cœur de ses cabinets intérieurs, dans cet espace que Marie Leszczyńska appelle son laboratoire, les toiles sont encastrées dans des lambris.

1768 : les tableaux quittent le Château pour Paris

Marie Leszczyńska meurt en juin 1768. Par testament, elle a légué le « cabinet des Chinois » à sa dame d’honneur, la comtesse de Noailles. Les œuvres sont alors transportées, avec miroirs et lambris, à l’hôtel de Noailles-Mouchy, rue Saint-Dominique à Paris. Pour les accueillir, on construit un pavillon dans le jardin, au niveau de l’actuel boulevard Saint-Germain.

Au XIXe siècle, un nouvel écrin au château de Mouchy

Entre 1850 et 1870, l’architecte Destailleur est chargé par le duc de Noailles d’agrandir une propriété de famille, le château de Mouchy (Oise). Les huit toiles y sont transférées. C’est à cette époque que trois des tableaux connus par le Mémoire des peintres, sans doute trop endommagés pour être déplacés, sont remplacés par trois autres qui font désormais partie de l’ensemble : Le Passage de la rivière, La Marchande de fruits, La Pêche.

La Marchande de fruits, huile sur toile provenant du “cabinet des Chinois”. © Château de Versailles / Christophe Fouin.

1961 : destruction du château de Mouchy

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’occupation allemande laisse le château de Mouchy si endommagé que le propriétaire prend, en 1761, la décision de détruire l’édifice, à l’exclusion du donjon. Le « cabinet des Chinois » est alors démonté mais reste à Mouchy, dans la nouvelle demeure construite sur les vestiges de l’ancienne.

Le goût de Marie Leszczyńska pour l’Extrême-Orient

Cet ensemble de tableaux révèle le goût chinois de la souveraine qui s’intéresse particulièrement aux missions d’Extrême-Orient et possède des porcelaines ornées de décors chinois1. À la Cour, cette inclination est largement partagée, notamment par Marie-Josèphe de Saxe et Madame de Pompadour, dont la prédilection pour les porcelaines et les ornements chinois est manifeste. Le « cabinet des Chinois » de Marie Leszczyńska montre une Chine pittoresque, inspirée des recueils de voyageurs au Cathay. On y découvre notamment la préparation du thé, la rencontre d’un jésuite et d’un mandarin, une foire à Nankin. Architectures, costumes, paysages y sont décrits avec minutie ; la perspective à vue d’oiseau s’inspire de la peinture chinoise. Ces huit toiles traduisent aussi l’esprit d’un XVIIIe siècle curieux et voyageur, lancé à la découverte du monde.

Gwenola Firmin,
Conservateur en chef au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.

1. Dont un service à thé et à chocolat récemment complété par le château de Versailles.

 


À LIRE :

« Le nécessaire d’une reine », par Marie-Laure de Rochebrune.


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