Danser baroque aujourd'hui

Marie-Geneviève Massé est l’une des figures majeures de la danse baroque d’aujourd’hui. Chorégraphe et directrice de la Compagnie de danse L’Éventail, elle a conçu la Sérénade royale et les Fêtes galantes, cet été au programme de Château de Versailles Spectacles.

Marie-Geneviève Massé © Diego Salamanca.

Comment êtes-vous venue à la danse baroque ?

Marie-Geneviève Massé : J’ai toujours voulu être danseuse et n’ai jamais pensé qu’à cela. Au début, mes parents étaient réticents : être danseuse était pour eux synonyme d’être maigre comme un coucou, avec des cheveux tirés en arrière. Entre faire des maths ou devenir danseuse professionnelle, j’ai fait mon choix à 16 ans.  En 1980, âgée de 20 ans, j’ai participé à une audition nationale organisée au Théâtre de Paris. C’est au cours de cette semaine d’audition que j’ai rencontré Francine Lancelot, créatrice de Ris et Danceries, la première compagnie de danse baroque de France. À l’époque, je considérais la danse baroque comme désuète, ampoulée et maniérée, tel qu’on pouvait le voir dans le film Si Versailles m’était conté de Sacha Guitry. Mais c’est au cours de cette audition que je suis tombée littéralement amoureuse de la « belle danse ». J’étais emballée par la recherche historique et intellectuelle que sous-tendait cette danse dont on interrogeait les sources et les origines. J’étais enthousiasmée par la joie de la danse d’ensemble, et par les possibilités de l’interprétation de personnages. J’ai tout de suite été recrutée par Françoise Lancelot et j’ai été l’une des principales interprètes de sa compagnie jusqu’en 1988. Son univers a nourri ma pratique. J’ai créé en 1985 ma propre compagnie, L’Éventail, pour répondre à de premières commandes. Depuis je me suis toujours consacrée à la danse baroque.

Quelle est votre démarche de chorégraphe dans la conception de la Sérénade royale et des Fêtes galantes ?

Marie-Geneviève Massé : Dans la Sérénade royale, je joue avec les attentes du public : je veux les faire entrer par la porte qu’ils connaissent avec, par exemple, le cérémonial de cour et d’éclatants costumes d’époque, pour leur faire découvrir d’autres facettes du baroque, son côté burlesque et loufoque, profond et poétique. J’invente une chorégraphie mais pas les situations qu’elle évoque : dans la Sérénade ce sont la cérémonie de l’habillage, la représentation de la hiérarchie sociale, le bal, le travestissement et le divertissement. Le fait historique nourrit aussi mes situations chorégraphiques : par exemple, j’interprète dans la Sérénade royale la réception des ambassadeurs turcs en 1669, comme Molière l’avait fait en s’emparant d’une turquerie, qu’il intègre à son Bourgeois Gentilhomme à la demande de Louis XIV.

Compagnie de l'Éventail, Sérénade royale © Julien Idier

 

 

 

Compagnie de l'Éventail, Sérénade royale © Stéphane Bellocq

 

Avec les Fêtes galantes, l’intention n’est pas la même : lors de cette soirée costumée qui se déroule entre le salon d’Hercule et la galerie des Glaces, les gens ne viennent pas assister à un spectacle, mais vivre eux-mêmes la danse et leur personnage. Ils veulent pouvoir danser après un cours de 30 minutes, pendant lequel les maîtres-danseurs leur enseignent des figures collectives et la gestuelle de cour. Nous leur donnons certaines clés de compréhension de la danse baroque, telle l’interpénétration de l’apprentissage de la danse et de l’escrime à l’époque. Les Fêtes galantes se terminent par un bal qu’ouvre une démonstration réalisée par tous les danseurs, puis un feu d’artifice. Cette soirée mise sur l’imagerie de la fête, sa légèreté et son côté carnavalesque.

Compagnie de l'Éventail, Sérénade royale © Julien Idier.

Que voulez-vous transmettre au public ?

Marie-Geneviève Massé : Le public, je veux le  toucher au cœur et à l’intellect, et qu’il trouve de la joie, de la gourmandise dans mes spectacles. Ma démarche de chorégraphe est inséparable de la volonté de donner accès à la culture et de faire résonner notre mémoire collective. Je veux faire comprendre que ce patrimoine ne nous appartient pas seulement comme tel, c’est-à-dire comme un savoir qui ne relèverait que du passé. Dans mes spectacles, je tire le fil de ce patrimoine légué par les Anciens, pour le métamorphoser, le rendre vivant, pour en faire une œuvre contemporaine. Il y a de l’intemporel dans l’art : pour moi le paysage actuel de la danse s’apparente à un grand parc peuplé d’essences différentes. Le baroque y serait un arbre planté il y a 300 ans, et dont les racines seraient historiques, mais le visage, différent aujourd’hui de ce qu’il était alors. C’est cette créativité et cette capacité de transformation que je veux montrer.

Propos recueillis par Clotilde Nouailhat.

 


À VOIR

Sérénade royale, chaque samedi du 16 juin au 15 septembre 2018, à 18h30, 18h50, 19h10, 19h30, 19h50.

Fêtes galantes, le lundi 28 mai 2018, à 19h30.

La Compagnie de Danse l’Éventail est conventionnée par le ministère de la Culture, Drac des Pays de la Loire. Avec le soutien de l’État-Préfet de la région Pays de la Loire, le Conseil régional des Pays de la Loire, le Département de la Sarthe, la Ville et Communauté de Communes  de Sablé-sur-Sarthe. 

 

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