Le rival du Roi-Soleil ?

Il y avait bien plus qu’un air de famille entre Louis XIV et son cousin, Louis II de Bourbon-Condé, dit le Grand Condé. Le Domaine de Chantilly propose jusqu’au 2 janvier 2017 une exposition inédite sur ce personnage haut en couleurs, tour à tour allié et ennemi du pouvoir royal.

Louis II de Bourbon (1621-1698), dit le Grand Condé, devant une évocation de la bataille de Rocroy, d'après Juste d'Egmont (Leyde, 1601 - Anvers, 1674)

C’est à la bataille de Rocroi, en 1643, au cours de laquelle il triomphe des Espagnols et sauve le royaume de son cousin Louis XIV, alors âgé de 4 ans, que le Grand Condé forge sa légende. Débute alors son épopée baroque, faite de brillantes victoires. Le prince entre progressivement en conflit avec la politique mise en place par le cardinal Mazarin et devient l’un des principaux acteurs de la Fronde, période cruciale pour l’Histoire de France mais aussi pour sa propre destinée. L’échec de sa rébellion le contraint à passer au service du roi d’Espagne, ultime trahison ! Le traité des Pyrénées lui apporte le pardon du Roi-Soleil qui ne peut se passer durablement de son génie militaire. Après un nécessaire éloignement, il est rappelé sur le champ de bataille et participe largement au succès des premières guerres louis-quatorziennes avant de prendre une retraite bien méritée à partir de 1675, dans son domaine favori, celui de Chantilly, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Paris.

Réception du Grand Condé par Louis XIV à Versailles, en 1674, par Jean Léon Gérôme (Vesoul, 1824 - Paris, 1904)

Là, il peut poursuivre son grand œuvre. Il modifie profondément le château et surtout le parc. Il y cultive ses passions, celles des fêtes et divertissements, du théâtre et de la littérature, des sciences, de la peinture également. Il s’éteint à Fontainebleau le 11 décembre 1686, à l’âge de 65 ans. Étonnamment, jamais le Grand Condé n’a, jusqu’à aujourd’hui, fait l’objet d’une exposition. Pourtant son parcours ambigu, à travers le Grand Siècle et sa personnalité flamboyante méritent amplement un coup de projecteur. Entre le prince et son royal cousin existe une émulation, voire une rivalité. Sur le plan politique et militaire d’abord, avec un paroxysme sous la Fronde, même si le rebelle impénitent est aussi le plus grand serviteur de Louis XIV. Par ailleurs, sur le plan de l’image, le mythe du Grand Condé est porté, dès son plus jeune âge, par une véritable entreprise de propagande organisée par sa Maison. Face au Roi, il est l’un des personnages les plus représentés au XVIIe siècle : nombre de ses portraits peuvent ainsi être admirés dans l’exposition. En termes de mécénat, enfin : à Chantilly, le Grand Condé instaure un autre Versailles, une Cour différente et tolérante, où les esprits libres sont les bienvenus (pensons à Molière mis en difficulté lors de la querelle du Tartuffe). Condé y appelle les grands artistes actifs sur les chantiers de son cousin le Roi : André Le Nôtre, Jules Hardouin-Mansart, mais aussi Charles Le Brun ou Pierre Mignard expriment à ses côtés tout leur talent. Même dans ses funérailles – les plus spectaculaires du siècle ! – le premier prince du sang travaille à l’élaboration d’un mythe qui reprend aujourd’hui vie à Chantilly.


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