Le triomphe d’Iphigénie

Le temps d’une exposition sur Charles de la Fosse (1636-1716) en 2015, l’un des chefs-d’œuvre du peintre, Le Sacrifice d’Iphigénie, a retrouvé son écrin versaillais. 

Le Sacrifice d’Iphigénie, Huile sur toile, Charles de La Fosse.

Tableau au format presque carré, Le Sacrifice d’Iphigénie, commandé par Louis XIV, fut peint en 1680 pour orner le dessus de la cheminée du salon de Diane des Grands Appartements du château de Versailles. Le décor de cette pièce fut le dernier à être entrepris et clos ainsi l’important chantier qui dura une décennie. Cette oeuvre de Charles de La Fosse demeure d’une importance toute particulière. Cet épisode dramatique de l’histoire antique avait été remis d’actualité par la pièce de Jean Racine (1639-1699), jouée pour la première fois devant la Cour le 18 août 1674. L’iconographie de ce tableau est fidèle à la tragédie et met en valeur l’héroïsme d’Iphigénie dans une salle dédiée à Diane.

Le Sacrifice d’Iphigénie, Huile sur toile, Charles de La Fosse, détail

Assise sur un trône, l’héroïne occupe royalement le centre de la composition ; son attitude exprime une généreuse piété et l’acceptation de son sort, qui devait permettre à la flotte grecque d’atteindre Troie. Les figures d’Iphigénie, de Calchas et de Diane forment un triangle lumineux renversé dont la pointe inférieure rejoint le couteau du sacrifice. Soulignons combien Le Sacrifice d’Iphigénie constitue une étape essentielle dans l’oeuvre de La Fosse. Il avait étudié dans l’atelier de Charles Le Brun puis participé sous la direction de celui-ci à tous les décors royaux, depuis le chantier des Tuileries.

Le Sacrifice d’Iphigénie, Huile sur toile, Charles de La Fosse, détail

Pour la première fois, avec l’exécution de cette oeuvre, il prend ses distances avec le style classique de son mentor pour laisser libre cours à son admiration pour Rubens. La Fosse avait eu l’occasion d’admirer le cycle de Marie de Médicis peint en 1624 pour orner le palais du Luxembourg et surtout découvert dans les années 1670 le maître du Nord dans la prodigieuse collection du duc de Richelieu qui avait rassemblé une vingtaine de ses chefs-d’oeuvre. Le visage d’Iphigénie et sa chair généreuse et nacrée sont inspirés de la nymphe de gauche du Débarquement de Marseille, de Rubens.

L’influence du maître flamand domine aussi dans l’harmonie dorée des accords de bruns réveillée par les notes vertes et bleues des manteaux de Calchas et d’Iphigénie. La couleur chaude rouge sang du tapis et du coussin, également d’inspiration rubénienne évoque l’imminence de la tragédie. La figure repoussoir du guerrier affligé, au premier plan à droite, artificiellement ajoutée à la composition, rappelle le gardien endormi de La Délivrance de saint Pierre de Raphaël et constitue la seule réminiscence de la Renaissance classique de ce tableau. Ce manifeste rubénien tient également aux clairs-obscurs associés à une lumière dorée qui unifie la composition. Les coloris chauds ne sont plus posés en à-plats comme dans les oeuvres peintes sous l’inspiration de Le Brun, ils  s’enrichissent de nuances et de reflets variés appliqués d’une touche légère. Le superbe dessin préparatoire de la composition, conservé au Metropolitan Museum (New York) dévoile une première pensée toute différente, construite autour d’une diagonale où l’héroïne, aux allures de nymphe souriante, est enlevée au ciel par la déesse. La tonalité empreinte de tendresse et d’émotion ne fut pas conservée dans l’oeuvre finale qui insiste au contraire sur l’imminence du sacrifice.

La restauration récente de cette oeuvre a révélé toute sa beauté et ses subtilités. Le vernis jaune ancien, très occultant, masquait les raffinements chromatiques et l’ensemble des détails délicats de la toile qui étaient noyés dans un fond brun. Les couleurs étaient également affadies, en particulier la robe de Diane dont on peut maintenant admirer les cangianti, subtils passages du vert au rose, et la délicatesse du mauve du corset d’Iphigénie associée au bleu broché de sa robe. À l’occasion de l’exposition « Charles de La Fosse (1636-1716) le triomphe de la couleur » ce chef-d’oeuvre est réinstallé in situ et mérite bien une visite particulière.

 

Charles-de-La-Fosse

Charles de La Fosse en 5 dates
15 juin 1636 : naissance à Paris.
1659 - 1661 : Séjour à Rome. Le peintre obtient une pension du Roi pour parfaire ses études.
1673 : Charles de La Fosse devient membre de l'Académie royale de peinture et de sculpture. Il entreprend le décor du plafond du salon d'Apollon dans les Grands Appartement
1699 : Elu directeur de l'Académie royale de peinture et de sculpture.
13 décembre 1716 : Mort du peintre dans l'hôtel particulier du trésorier de France et grand collectionneur Pierre Crozat où il résidait.





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