Carte blanche photographique à... Claire Adelfang

Claire Adelfang vous propose d'entrer dans les fabriques du Hameau, avant la restauration de la maison de la Reine. Son travail entre dans la collection d'art contemporain du château de Versailles.

Vue intérieure de la maison de la Reine, premier étage. (c) Claire Adelfang / Château de Versailles

Vue intérieure de la maison de la Reine, premier étage. © EPV / Claire Adelfang

Claire Adelfang est une jeune photographe, diplômée de l’école nationale des Beaux-Arts de Paris en 2010. Son travail interroge l’architecture comme trace de l’activité humaine. Personne n’y est jamais représenté et jusqu’à présent, ses photographies répondent toujours au même format : le carré. La photographe s’intéresse tout particulièrement aux lieux désertés qui laissent une impression de temps suspendu : bases sous-marines, estuaires, barrages, vestiges industriels…

C’est en prenant connaissance de ce travail que nous lui avons proposé de porter son regard sur les différents espaces du Hameau : avant que ne commence la restauration de la maison de la Reine, il s’agissait de donner à voir au spectateur un état des lieux qui restitue à la fois l’urgence de la restauration et l’atmosphère si particulière de ce lieu voulu par Marie-Antoinette au XVIIIsiècle. La série se compose de dix photographies, toutes réalisées au sein du Hameau de la Reine. Huit d’entre elles révèlent l’intérieur des bâtiments. Il ne s’agit ici que de « cadrages » : aucun objet n’a été modifié ni déplacé pour rendre la composition plus esthétique, aucune intervention n’a été apportée par l’artiste sur le fichier numérique qui a servi à leur impression pour trafiquer la lumière.

Par ce dépouillement, Claire Adelfang porte son regard sur des configurations d’espaces et de lumières qui rappellent parfois les jeux géométriques d’une peinture abstraite. La profondeur des miroirs, les cheminées, le papier mural en partie décollé, la peinture qui s’écaille, les tas de gravats annonciateurs du futur chantier donnent l’impression d’inachèvement, un inachèvement qui, malgré l’absence de l’homme, renvoie aux traces et strates laissées par les différentes générations : des architectes, ingénieurs et ouvriers qui travaillent sur le chantier aux jardiniers qui entreposent leurs légumes, jusqu’aux illustres habitantes de ce hameau, de Marie-Antoinette à Marie-Louise…

Ce travail semble poser une seule et même question : que reste-t-il du goût rustique fantasmé par la Reine dans ce patrimoine architectural déroutant ? Sommes-nous encore capables, sous le kitsch de ces fausses chaumières revendiquant paradoxalement l’authentique vie campagnarde, d’accorder à ces lieux, la poésie champêtre qu’y projetait Marie-Antoinette à la veille de la Révolution ? Ainsi se pose, une nouvelle fois, dans une oeuvre contemporaine, la question de la subjectivité de notre rapport à l’histoire et au patrimoine.

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