La commode
Gaudreaus à Versailles

« C’est l’histoire d’une vie » … Ceux qui ont assisté à l’arrivée, un soir de février, de la commode Gaudreaus au château de Versailles n’oublieront pas l’émotion de Lily Safra, dévoilant l’inestimable « cadeau » que son mari Edmond Safra avait voulu faire, tant d’années auparavant,
aux collections nationales de la France.

Commode à panneaux de laque du Japon et vernis parisien, livrée pour la chambre de Louis XV à Choisy en 1744 par l’ébéniste Antoine-Robert Gaudreaus. © Château de Versailles / Thomas Garnier.

Les tribulations de cette commode nous ont échappé pendant près de deux siècles, après son évanouissement, parmi tant d’autres, dans les ventes révolutionnaires. Fruit des influences artistiques de deux règnes, ceux de Louis XIV et de Louis XV, elle a poursuivi silencieusement sa vie romanesque jusqu’à son port d’attache enfin atteint, la chambre de Madame Victoire, fille de Louis XV. Mais depuis 1986, où elle fut acquise par M. et Mme Safra dans une vente aux enchères à Venise, elle est liée à une passion française, celle de ce couple qui voulait qu’elle retrouve sa place dans l’histoire du mobilier royal le plus insigne.

© EPV / Thomas Garnier

Avec ténacité, après la mort de son mari, Lily Safra a voulu honorer cet engagement aussi rare sans doute que la commode Gaudreaus elle-même. Ce mécénat exceptionnel s’inscrit dans la longue histoire de la générosité privée qui contribue à rendre vie au Versailles d’aujourd’hui.
Il a fallu au fil des années, depuis le début du XXe siècle, ces dons modestes ou spectaculaires, parfois totalement anonymes, toujours désintéressés pour que se déroule cette chaîne d’acquisitions qui rend aux appartements royaux et princiers l’atmosphère qui fit leur renommée dans l’Europe et dans le monde au XVIIIe siècle.

Détail des bronzes de la commode. © EPV / Thomas Garnier

Lily Safra y a apporté sa contribution éminente, à la fois humble, inquiète et enthousiaste. Elle a su mobiliser ses amis dans la discrétion pour rendre possible le voyage de ce meuble hors du commun, dont le gouvernement italien, en ce début d’année, a bien voulu accompagner le retour en France. Elle s’est inquiétée à toutes les étapes de l’état de la commode qui a su garder, malgré les vicissitudes de l’âge, sa fraîcheur. Elle s’est émerveillée lorsque la commode est apparue, au sortir de l’emballage dans lequel elle « dormait ». Et puis encore, lorsqu’on l’a installée dans les appartements des filles de Louis XV, récemment remeublés et restaurés pour offrir au public l’évocation parfaite de la vie des princesses à laquelle elle ajoute une magnificence inespérée. Comme si ce meuble avait toujours été là.

La chambre de Madame Victoire où trône la commode. © EPV / Thomas Garnier

Un don de ce genre, démesuré et en même temps mesuré à l’aune de goûts, de convictions ou de promesses, n’existe pas sans l’engagement personnel de celui qui le décide. C’est ce même engagement qui conduit Lily Safra aux quatre coins du monde : elle y perpétue le souvenir de son mari au travers de la Fondation Edmond J. Safra qui soutient ici et là projets culturels, éducatifs ou scientifiques, humanitaires ou médicaux et fait de son nom, un synonyme de philanthropie.

Catherine Pégard,
Présidente de l’Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles.

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