Les dessous
du Théâtre d'Eau

L’exposition sur André Le Nôtre présente une reconstruction des bosquets tels qu’ils existaient à l’époque. Ceci n’aurait pas été possible sans le travail méticuleux des archéologues qui, contrairement aux idées reçues, ne s’intéressent pas qu’à l’Antiquité ou à la préhistoire.
En complément de l’exposition, nous proposons ainsi de revenir sur les principales découvertes des fouilles récemment menées dans le bosquet du Théâtre d’Eau, alors que celui-ci va être l’objet d’une recréation contemporaine au printemps 2014.

Vue du Théâtre d’Eau avec les nymphes s’apprêtant à recevoir Psyché, par Jean Cotelle, vers 1688. © Château de Versailles / Christophe Fouin.

Il existe un Versailles caché que peu de personnes ont la chance de voir, celui des bâtiments disparus dont les fragments dorment dans le sol depuis des siècles. Sous la direction d’Annick Heitzmann, chargée de recherche au Château, les archéologues ont mis au jour les vestiges du bosquet du Théâtre d’Eau, une somptueuse salle de verdure qui fut le cadre de nombreuses fêtes sous le règne de Louis XIV. Animé par des cascades, des jets d’eau et des statues en plomb doré, ce bijou baroque insensé conçu par Le Nôtre en 1674 a été « rayé de la carte » un siècle plus tard, lors du premier reboisement du parc décidé par Louis XVI, en 1775. Grâce au travail d’investigation mené par les archéologues, le plan exact du bosquet a pu être rétabli et a permis au paysagiste Louis Benech de prendre en compte la topographie d’autrefois dans son travail pour la création d’un nouveau Théâtre d’Eau qui sera ouvert au public en 2014.

Plan du Théâtre d'eau par Jean Chaufourier tiré du Recueil des Plans des châteaux et jardins de Versailles daté de 1720. 

Pendant trois mois, les fouilleurs ont ouvert 23 sondages et ont eu le grand privilège d’entrer en contact physique avec une réalité qu’on ne connaissait plus que par les plans, les peintures et les textes. Mieux encore, ce chantier a permis de montrer que certains plans du XVIIIe étaient en fait truffés d’erreurs. Cette campagne de fouille nous rappelle aussi, comme le souligne Annick Heitzmann, que « recherche documentaire et archéologique sont complémentaires et que l’une ne saurait se passer de l’autre. » 600 fragments et objets ont été récoltés, dont de nombreux éléments du rocaillage décoratif qui garnissait les bassins et les cascades : coquillages, meulières, quartz, pâte de verre, … Des traces de vie quotidienne ont été aussi recueillies : monnaies, jetons, tessons de faïence bleue et blanche. Et puis, découverte inattendue, les archéologues ont exhumé une hache polie du néolithique, témoignage du Versailles avant Versailles.

François Appas,
Responsable des visites conférences au Château.

Cet article est extrait des Carnets de Versailles n°4 (octobre 2013-mars 2014). 


PLAN DU THÉÂTRE D'EAU INTERPRÉTÉ

1 Le bassin central
Composé de deux nappes d’eau, il marquait la séparation entre la scène et la salle. Sa structure complète a pu être retrouvée. Sur ses parties maçonnées, on voit encore les fils métalliques
et les pitons qui maintenaient le décor de rocaillage. Les fouilleurs ont eu la surprise de trouver, à sa place d’origine, un magnifique coquillage exotique et son fil de fixation en laiton.

2 Pierrée axiale centrale
Le sous-sol était parcouru par un réseau de petits canaux souterrains, les « pierrées », par lesquelles s’évacuait l’eau des bassins. Les tronçons de la pierrée axiale qui ont été mis au jour,
permettent désormais de connaître précisément l’orientation générale du Théâtre d’Eau.

3 Pierrée latérale
Les archéologues ont dégagé une large portion d’une des pierrées latérales d’évacuation. Celle-ci aboutit aux fondations d’un des 18 petits bassins ronds qui ceinturaient la salle.

4 et 5 Allées d’accès et périphérique
On a retrouvé l’allée par laquelle le public et les promeneurs accédaient aux merveilles du Théâtre d’Eau. La grande allée qui permettait de faire le tour du bosquet a été également identifiée.

6 La salle de spectacle
À 75 cm sous la surface du terrain actuel, les fouilleurs ont retrouvé une couche stratigraphique qui correspond au sol de la salle de spectacle.

7 Les gradins
Les trois étages de gradins n’auraient pas été engazonnés comme le laissent supposer les tableaux d’époque, mais constitués dans leur partie verticale de planches peintes en vert soutenues
par des poteaux.

8 Les cascades
Les trois merveilleuses cascades qui dévalaient les pentes du bosquet ont été réduites en poussière par les aménagements de Louis XVI, lorsque le Théâtre d’Eau a été transformé en
simple Rond-vert gazonné. Leur tracé a néanmoins pu être confirmé.

9 Les treillages
La découverte de fondations de poteaux de treillage de part et d’autre de l’allée d’accès a permis de connaître sa largeur exacte : 4 mètres.


À VOIR : 

Le Nôtre en perspectives. 1613-2013
Du 22 octobre 2013 au 23 février 2014
Dans les salles d'Afrique et de Crimée du Château
Horaires : 9 h-17 h 30 (dernière admission : 17h)


AUTOUR DE L’EXPOSITION : 

Visites commentées : 7 et 20 novembre ; 14 décembre 2013 ; 12, 16, 21, 22, 23, 28, 29 et 30 janvier 2014, à 10h.
Sur réservation.
Une programmation spéciale de visites thématiques est également dédiée à la figure du jardinier.

Un mini-site dédié à l'exposition


À LIRE : 

André Le Nôtre en perspectives
Sous la direction de Patricia Bouchenot-Déchin et Georges Farhat,
coédition Hazan-Château de Versailles, 2013

Hors-séries Le Figaro, « Aux jardins de Monsieur Le Nôtre », 8,90 € ;
Télérama, « Le Nôtre jardinier du roi, roi des jardiniers », 8,50 €

MOTS-CLÉS