La passion Pygmalion

En février et mars 2013, Raphaël Pichon et son ensemble Pygmalion interprètent deux joyaux du répertoire pour instruments anciens, de Bach et Rameau. Il revient pour Les Carnets de Versailles,
sur une aventure musicale unique en son genre.

Portrait de Raphaël Pichon. © Bertrand Pichenne

Pourquoi et comment crée-t-on un ensemble tel que Pygmalion, orchestre et chœur de jeunes professionnels, alors que l’on a à peine 20 ans ?

J’ai eu la chance de pouvoir commencer la musique très jeune, et à Versailles ! Je suis en effet entré en classes à horaires aménagés, à l’école Lully puis au collège Rameau. Depuis l’âge de 6 ans donc, j’ai étudié et pratiqué le violon, le piano, puis l’orgue et le clavecin. Mais le réel déclic musical arrive à l’âge de 11 ans, quand ayant intégré la Maîtrise des Petits Chanteurs de Versailles, j’ai chanté pour la première fois la Passion selon Saint Jean de Bach. Ce souvenir est encore très fort pour moi, et sera une véritable révélation. Pouvoir si jeune bénéficier d’une formation aussi complète, chant et instrument, crée naturellement des vocations. Très vite, dans le cadre de la Maîtrise, Jean-François Frémont – encore Maître de chapelle aujourd’hui à Notre-Dame de Versailles –, me confie quelques répétitions et concerts comme si j’étais une sorte de chef assistant. Cette confiance dès l’âge de 16 ou 17 ans me donne le déclic final, et l’envie de monter mon propre groupe fut toute naturelle ensuite. C’est encore la confiance de Jean-François Frémont qui permettra la naissance de Pygmalion, au cours d’un concert en novembre 2005. Grâce aux nombreuses rencontres que j’ai pu faire au cours de mes premières années comme chanteur professionnel et d’études au Conservatoire de Paris, je constitue une équipe de jeunes musiciens autour de moi, dont beaucoup font encore partie de Pygmalion aujourd’hui.

Pygmalion est donc constitué à la fois d’un chœur et d’un orchestre, sur instruments anciens. Quel projet et choix de répertoires guident Pygmalion depuis ses débuts ?

Depuis plus de trente ans, un mouvement de redécouverte et d’essor de la musique ancienne en Europe a imposé l’usage d’instruments anciens comme une évidence. C’est dans cet héritage que nous nous inscrivons, avec cette chance d’avoir au-dessus de nous des aînés qui ont fait un travail de défrichage immense ! De plus, mon adolescence a été marquée par la musique sacrée, notamment baroque, et par la découverte de l’« électricité » de l’opéra, notamment le répertoire français baroque, adulé à Versailles. C’est donc tout naturellement que l’aventure de Pygmalion a démarré avec Johann Sebastian Bach et la musique allemande baroque en général, et qu’il s’est ouvert rapidement à Jean-Philippe Rameau. Bach était encore peu joué il y a quelques années par les ensembles français. Mais démarrer un nouvel ensemble dans les années 2010 demande de se poser la question du projet artistique, qui se doit de tenter d’inventer autre chose que nos aînés, tout en considérant leur héritage. Pour ce faire, nous tentons avec Pygmalion de visiter certaines pages du répertoire plus méconnues, comme les Messes Brèves de Bach ou des versions encore inédites de grands chefs-d’œuvre, comme c’est le cas avec ce cycle des versions tardives des grandes tragédies lyriques de Jean-Philippe Rameau. Autour de ces deux grands axes, Rameau et Bach, nous ouvrons aussi notre répertoire au romantisme allemand, ou encore, à la création contemporaine sur instruments anciens.

L'ensemble Pygmalion à l'Opéra royal. © Étienne Gautier

Le 29 et 30 mars vous vous produisez à la Chapelle royale. Ce lieu ne vous est pas inconnu, n’est-ce pas ?

L’une des missions de la Maîtrise de Versailles dans laquelle je chantais était d’animer certains offices de la Chapelle royale, donc oui, je m’y suis produit un grand nombre de fois. Y revenir avec mon propre ensemble, quelque dix ans plus tard, et avec la Passion selon Saint Jean de Bach, qui a tant marqué mon adolescence, cela a quelque chose de tout particulier pour moi !

Quels projets marquants pour Pygmalion dans les années à venir ?

Affirmer notre identité et notre répertoire. Dans les saisons à venir, nous aurons la chance de donner une première Messe en si mineur dans l’une des plus grandes salles parisiennes, l’opéra Castor et Pollux de Rameau dans l’un des grands opéras de Paris également, et une première Passion selon Saint Matthieu en 2015. Autour de cela, nous avons de nombreux projets plus expérimentaux autour d’œuvres inédites, comme l’œuvre sacrée de Christoph Graupner (1683-1760), des créations contemporaines, une reconstitution de la cantate la plus longue de Bach (la musique funèbre pour le Prince de Cöthen BWV 244a), parmi d’autres.

Propos recueillis par la rédaction.

Cet article est extrait des Carnets de Versailles n°2 (octobre 2012-mars 2013)


Portrait de Raphaël Pichon. © Francois Sechet.

À L'OPÉRA

Hippolyte et Aricie de Rameau

Mercredi 13 février 2013, 20 h à l'Opéra royal. Durée : 3 heures.

Distribution : Anders Dahlin, Hippolyte / Gaëlle Arquez, Aricie / Maria Riccarda Wesseling, Phèdre / Edwin Crossley-Mercer, Thésée / Jérôme Varnier, Pluton - 3e Parque / Anna Reinhold, Diane / Eugénie Warnier, Oenone, la Grande prêtresse de Diane / Sabine Devieilhe, Une bergère, une matelote, une chasseresse / Francisco Fernandez Rueda, Mercure, 1er Parque.

Ensemble Pygmalion

Direction : Raphaël Pichon


À LA CHAPELLE

Passion selon Saint Jean de Bach

Jeudi 28 et vendredi 29 mars, à 20 h à la Chapelle royale. Durée : 2 h 30

Distribution : Werner Güra / Sabine Devieilhe / Carlos Mena / James Gilchrist / Konstantin Wolff / Peter Harvey / Ensemble Pygmalion

Direction : Raphaël Pichon

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