L'esquisse de Jupiter

Récemment acquise par le château de Versailles,
Le Char de Jupiter entre la justice et la piété est une esquisse préparatoire au décor de la salle des Gardes de la reine. Elle se fait l’écho
de l’enthousiasme royal pour l’antique, auquel est consacrée,
à partir du 13 novembre, l’exposition de la rentrée.

Le Char de Jupiter entre la Justice et la Piété, esquisse par Noël Coypel, © Château de Versailles, vers 1671-72. Dist. RMN / © Christophe Fouin

Comme de nombreux peintres de son époque, Noël Coypel (1628-1707) fut attiré par Rome : apprécié par Louis XIV et protégé par Colbert, il deviendra même, entre 1673 et 1675, directeur de l’Académie de France à Rome où il exécutera quatre tableaux pour les voussures du salon de Jupiter. L’esquisse préparatoire dont il est maintenant question, vraisemblablement peinte en 1671, précède néanmoins de peu ce voyage. Après avoir été un moment destinée au grand cabinet du Roi, finalement remplacé par le salon de la Guerre, elle prit place sur le panneau central du plafond de la salle des Gardes de la reine, dans le cadre du chantier du décor des Grands Appartements mené par Louis XIV et son premier peintre, Charles Le Brun.

Jupiter, la Justice et la Piété dans Le char de Jupiter entre la Justice et la Piété, esquisse par Noël Coypel, © Château de Versailles, vers 1671-72. Dist. RMN / © Christophe Fouin

La composition de Coypel joue habilement de la polysémie du nom « Jupiter ». Deux mondes parallèles semblent cohabiter en elle : tour à tour, Jupiter est ici planète du système solaire ou divinité romaine régnant sur la terre, le ciel, les mortels et les dieux.
La divinité Jupiter est aisément reconnaissable par les deux aigles qui guident son char. La femme à sa gauche est une allégorie de la Justice que caractérise notamment la balance tenue par un enfant. À droite, se trouve la Piété, dotée de ses attributs traditionnels, ailes et flamme.

Les signes astrologiques dans Le char de Jupiter entre la Justice et la Piété, esquisse par Noël Coypel, © Château de Versailles, vers 1671-72. Dist. RMN / © Christophe Fouin

Au premier plan, on aperçoit les signes astrologiques du Poisson et du Sagittaire qu’engendre le dieu de l’univers, et au bas du tableau, l’allégorie de la Violence en bien mauvaise posture, son sabre sortant même de l’esquisse.

Le char de Jupiter entre la Justice et la Piété [détail], esquisse par Noël Coypel, © Château de Versailles, vers 1671-72. Dist. RMN / © Christophe Fouin

Cette position sera néanmoins supprimée dans le décor final, ainsi que le sceptre tenu par Jupiter qui disparaît une fois peint sur le plafond de la salle des gardes de la Reine. Cette esquisse témoigne de modifications ultimes avant la réalisation du décor et, hormis ses qualités esthétiques, constitue un document passionnant pour comprendre le programme pictural des Grands Appartements.

Au centre de l’esquisse se lit une personnification de la planète Jupiter, sous l’aspect d’une jeune femme enroulée dans une guirlande de fleurs retenant quatre enfants : Io, Europe, Ganymède et Callisto, noms des quatre lunes en orbite autour de Jupiter, que l’astronome italien Galilée avait déjà pu observer en 1610. On a coutume de dire qu’il s’est joué, autour de cette découverte, l’un des tournants de l’histoire des sciences modernes : ce serait notamment parce que Galilée a détecté ces astres tournant autour de Jupiter, qu’il aurait définitivement rejeté le géocentrisme, cette théorie voulant que le soleil tourne autour de la terre, pour pencher du côté de la thèse de Copernic : l’héliocentrisme, le soleil au centre de l’univers.

Victor Guégan,
membre de la rédaction des Carnets de Versailles

L’œuvre provient de la collection Jacques Thuillier, vendue récemment aux enchères (mars 2012). La société Artcurial a consenti à céder une partie de ses frais sur la vente.

Le char de Jupiter entre la Justice et la Piété [détail], esquisse par Noël Coypel, © Château de Versailles, vers 1671-72. Dist. RMN / © Christophe Fouin


Autour de l'œuvre :

L’esquisse est présentée dans l’exposition « Versailles et l’antique ».

Versailles et l’antique du 13 novembre 2012 au 17 mars 2013, au Château, Galerie basse, salles d’Afrique et de Crimée.


Couverture du catalogue de l'exposition

À LIRE 

Le catalogue de l'exposition « Versailles et l'antique »
sous la direction d'Alexandre Maral et Nicolas Milovanovic
avec les éditions Artlys, 2012
24 x 30 cm, 336 p., 50.00 € TTC

 

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