magazine du château de versailles

Pendule en fleurs

Dans le cadre de la campagne de restauration des pendules de Versailles, celle « à la corbeille de fleurs » vient tout juste d’être réinstallée au Grand Trianon. Blandine Brochu, qui a passé plusieurs semaines à lui rendre son éclat, nous entraîne dans les secrets de ce bouquet fabuleux.

Blandine Brochu devant la pendule tout juste restaurée. © EPV / Christophe Fouin

Lustres, bras de lumière, chenets, serrures de portes, espagnolettes, bronzes de commodes… Ce sont les objets en métal précieux que Blandine Brochu restaure. Aussi le château de Versailles a-t-il fait appel à elle dans le cadre de la campagne lancée en faveur des pendules disséminées sur ses nombreuses cheminées. En tête de ces boîtiers fragiles, à vocation très décorative : la pendule « à la corbeille de fleurs », trônant, depuis l’an 2000, dans le salon des Glaces du Grand Trianon.

Une œuvre exceptionnelle, au bronzier inconnu
S’inspirant des bouquets de porcelaine du XVIIIe siècle et illustrant le goût de la Restauration pour les fleurs, cette pendule monumentale fut présentée à l’Exposition des produits de l’industrie de 1823 par la Maison Chapuy-Lépine, héritière de celle du prestigieux horloger du roi, Jean-Antoine Lépine.

Cadran tournant de la pendule « à la corbeille de fleurs ». © EPV / Christophe Fouin

Mais qui avait conçu son décor, ce prodigieux bouquet de métal à la base duquel un cadran tournant fait défiler les heures au cœur d’une corolle de liseron ? « Il y a forcément eu un bronzier, et pas des moindres, mais dont Chapuy s’est bien gardé de divulguer l’identité, affirme Blandine. Cette réalisation est absolument exceptionnelle, d’une virtuosité rare. Elle date des années 1820, mais on voit bien que s’y sont encore exercés tous les savoir-faire du XVIIIe siècle. »

Vue des fleurs du bouquet de la pendule. © EPV / Christophe Fouin

Et Blandine de pointer, une à une, les fleurs de métal qui composent ce bouquet unique en son genre. Roses, renoncules, œillets et marguerites sont d’un réalisme époustouflant. L’auteur en a transcrit toute la délicatesse, mais aussi les irrégularités, allant jusqu’à travailler leur revers, avec leurs sépales, pourtant cachés à la vue. Il s’est attaché à reproduire l’entremêlement des tiges, si caractéristique des bouquets naturels, et certaines des fleurs, telles les tulipes, sont composées de plusieurs parties qui s’emboîtent, accentuant leur relief. Au sommet de l’œuvre, une grande fritillaire ou « fleur impériale » – représentative des arts du premier Empire – se dévisse : c’est ainsi que Blandine a pu commencer à démonter entièrement l’objet, et en connaître les moindres détails, scrupuleusement numérotés.

Détail des quatre cariatides ailées supportant la corbeille de fleurs. © EPV / Christophe Fouin

La dorure au mercure
L’incroyable pendule ne comporte pas de fleurs de lys : elle n’était donc pas destinée au roi ! Et pourtant, c’est le Garde-Meuble de la Couronne qui l’acheta finalement, en 1827, où elle resta longtemps en magasin (difficile d’intégrer une telle œuvre dans un appartement) avant d’être placée, en 1851, au Grand Trianon.
Chapuy avait même été obligé d’en baisser le prix, la cédant à perte. « Que cela a dû être difficile, car ce chef-d’œuvre a certainement coûté très cher en or, notamment en or mat ! », souligne Blandine, qui attire l’attention sur le socle du bouquet, constitué d’une colonne tronquée sur une base carrée, surmontée de quatre cariatides ailées.

La restauratrice se plaît à décrire le processus de création de cette singulière brassée où les fleurs dorées se déploient sur une armature de tiges et de feuilles à la couleur presque noire. Cela tient à la nature du matériau utilisé, improprement appelé, comme souvent, « bronze » : plutôt qu’un alliage de cuivre et d’étain, il s’agit d’un mélange de cuivre et de zinc – du laiton – qui a pour particularité de brunir en se patinant, et ce d’autant plus avec l’aide de produits chimiques qui orientent la couleur.

Tiges et feuilles en laiton qui composent le bouquet. © EPV / Christophe Fouin

Puis la restauratrice évoque la ciselure, c’est-à-dire la mise en forme en surface du métal après son passage en fonderie. Elle est ici d’une précision et d’une finesse incomparables, magnifiées par le jeu des mats et brillants, selon le traitement de la dorure par-dessus. Une dorure qui s’est faite au mercure, comme Blandine le rappelle : seul élément qui se mêle à l’or, celui-ci permet de le rendre liquide et de l’étaler, sous forme de pâte, avec un pinceau. Au four, il s’évapore tandis que l’or se plaque sur la pièce. Plusieurs couches peuvent être nécessaires, ce qui rend la dorure particulièrement résistante.

La pendule « à la corbeille de fleurs » complète, après restauration. © EPV / Christophe Fouin

Cette technique ancienne, avant les bains d’électrolyse mis au point au XIXe siècle par Christofle, explique pourquoi tout ne fut pas doré, mais soigneusement réservé aux corolles des fleurs où l’or mat, laissé brut, domine tandis que l’or poli souligne les reliefs. « On parle d’écrouissage pour le métal, et non pas de brunissage comme pour le bois, et on utilise une pierre d’hématite plutôt que d’agate », précise la restauratrice, qui s’est surtout attachée à désencrasser chacun des éléments du bouquet.

Le résultat est resplendissant. « Selon l’éclairage, on découvre, à chaque fois, quelque chose de différent, comme les flammes d’un feu de cheminée », s’enthousiasme Blandine qui ne se lasse pas d’admirer les moindres détails de cet objet qu’elle a déjà tant contemplé… et que nous pouvons à nouveau découvrir au Grand Trianon.

Lucie Nicolas-Vullierme,
rédactrice en chef des Carnets de Versailles

Restauration grâce au mécénat de donateurs privés fédérés par la Société des Amis de Versailles.


À VOIR

La pendule « à la corbeille de fleurs », dans le salon des Glaces du Grand Trianon.


À ÉCOUTER

Découvrez Le temps à Versailles,
l’histoire secrète des pendules du Château

dans un nouveau parcours audio à télécharger sur l’application mobile.

mot-clés

partagez

à lire également