La pendule de Passemant a retrouvé, hier, sa place dans l’appartement intérieur du Roi après une complète restauration. Cette horloge extraordinaire était la seule, au château, à ne plus sonner,
et ce depuis longtemps. D’une complexité rare,
ses rouages ont livré des informations passionnantes.

Platine centrale de la pendule de Passemant avant restauration, portant l’inscription : « Inventée par Passemant, Exécutée par Dauthiau, Examinée et approuvée par l’Académie Royale des Sciences de Paris, le 23 août 1749. » © EPV / Christophe Fouin
La pendule astronomique de Claude-Siméon Passemant ouvrait l’exposition sur Louis XV au château1. Sa restauration fondamentale, initiée en 2022 en vue de cet événement, est en passe d’être achevée.

Vue, avant restauration de ses mécanismes, de la pendule de Passemant dans l’appartement intérieur du Roi. © EPV / Didier Saulnier
Trente-cinq ans de création
Icône du règne mais aussi des passions personnelles de Louis XV, la pendule est le fruit d’un travail considérable et obstiné. Selon les sources historiques, l’ingénieur Passemant a consacré vingt ans aux calculs de la sphère mouvante : douze pour sa conception et l’établissement des tables astronomiques jusqu’en 9999, et huit à y travailler. L’horloger Dauthiau a ensuite passé douze années à exécuter le mouvement. Cette mécanique prodigieuse, reliant l’infiniment grand (le système solaire) à l’infiniment petit (la seconde), restitue de façon spectaculaire la somme des savoirs de l’époque. Approuvé par l’Académie royale des sciences lors de la séance du 23 août 1749, le mécanisme fut acquis par le roi l’année suivante. Les bronziers Caffieri réalisent alors, durant trois ans, le cabinet en bronze doré, chef-d’œuvre de l’art rocaille, selon le dessin choisi par le roi.
D’abord placée dans la galerie du château de Choisy, la pendule fut installée définitivement à Versailles le 15 janvier 1754, dans le cabinet qui, dès lors, porta son nom.
Un témoignage du génie de la nation française
« Les œuvres d’art avaient leur Tribunal révolutionnaire », écrivait Louis Courajod dans une formule restée célèbre2. En 1792, comme le bureau du Roi, la pendule échappe à l’aliénation : les commissaires artistes l’exceptent des ventes révolutionnaires et la conservent « pour la gloire des arts et des sciences ».
En raison des difficultés et des risques à déplacer une telle œuvre, la pendule ne gagne pas, comme les autres pièces retenues, le Louvre. Ainsi reste-t-elle, pendant près de huit années, seule dans un Versailles déserté, sous la garde de Bénard, horloger du Garde-Meuble et neveu de Dauthiau. En 1797, elle est envoyée dans un dépôt du Conservatoire des arts et métiers, avant d’être confiée pour restauration à Antide Janvier. La pendule est alors oubliée par l’Administration avant que n’éclate le scandale de la disparition de ses bronzes.
« L’étude préalable, les analyses et recherches menées, le démontage
total, puis la restauration de sa structure en bronze doré ainsi que
des centaines de pièces qui composent son mécanisme s’avèrent
de grandes premières dans le domaine de l’horlogerie. »
La restauration : une série de grandes premières
Grâce au mécénat de Rolex France, la pendule a fait l’objet d’une restauration fondamentale, la plus approfondie de son histoire. L’étude préalable, les analyses et recherches menées, le démontage total, puis la restauration de sa structure en bronze doré ainsi que des centaines de pièces qui composent son mécanisme s’avèrent de grandes premières dans le domaine de l’horlogerie. Un conseil scientifique pluridisciplinaire de vingt-trois personnes, composé de conservateurs, restaurateurs, horlogers et experts, a été constitué afin de valider chaque étape d’intervention. Le mécanisme est restauré à demeure ; en effet, Versailles est le seul musée de France à posséder un atelier d’horlogerie complet.

La planète Terre, gravée et incrustée de pierres précieuses figurant les principales villes du monde, en cours de restauration. © EPV / Thomas Garnier
L’écrin de bronze, examiné sous toutes les coutures
La prise en charge des soixante-dix-sept éléments en bronze qui composent l’écrin a été réalisée dans les ateliers du Centre de recherche et de restauration des musées de France.
De nombreuses analyses ont permis d’en approfondir la connaissance : par exemple, la spectrométrie de fluorescence XRF a précisé la nature exacte de l’alliage des matériaux (fer, laiton, bronze, verre) ; une endoscopie a confirmé la réalisation d’une fonte à la cire perdue ; les radiographies et tomographies3 ont donné à comprendre l’assemblage de la structure et d’en repérer les faiblesses ; une étude tracéologique sur les bronzes a servi à déterminer le nombre d’intervenants, jusqu’à la main utilisée (droite ou gauche) par le ciseleur.

Restauration de l’écliptique fixe portant les signes du zodiaque sculptés et gravés. © EPV / Thomas Garnier
Les bronzes, fortement noircis, étaient dans un état d’encrassement généralisé ne présentant plus de relief entre les mats et les brunis à la brillance miroir. Leur restauration a révélé une troisième finition de surface, satinée et modulée par une patine intentionnelle : une combinaison spécifique à cette œuvre et d’une beauté remarquable.
La beauté et la perfection de l’usinage des pièces
Les pièces qui composent les mécanismes du planétaire, de l’horloge, du calendrier et des phases de la Lune ont été dégraissées, analysées, mesurées, nettoyées et les dents des roues et pignons rigoureusement comptées afin de produire des plans. Cela a été l’occasion d’identifier les pièces défectueuses et manquantes ainsi que les anciennes restaurations afin d’établir un degré d’authenticité général. Cette plongée au cœur des rouages a permis d’apprécier la beauté et la perfection de l’usinage des pièces. Lors du démontage, la pendule s’est aussi révélée être une véritable horloge parlante ! En effet, de nombreuses signatures et inscriptions ont été découvertes, permettant de préciser la chronologie.

Vue avant restauration du planétaire couronnant la pendule astronomique de Passemant. © EPV / Christophe Fouin
La sphère mouvante représentant le système solaire héliocentrique n’était plus engagée depuis des années, sa mise en marche provoquant l’arrêt de l’horloge. La déformation des orbes portant les planètes causait des frottements. Les bronzes du mécanisme, visibles au travers des glaces de l’écrin – ainsi que dans le miroir installé à dessein dans les boiseries du cabinet – ont également été restaurés, tout comme les inscriptions à la cire noire et rouge présentes, par exemple, sur les signes du zodiaque.
La manivelle permettant d’activer le planétaire va être restituée. Ce mécanisme très rare témoigne, de manière passionnante, de la science spectacle à Versailles. En effet, un système de débrayage permettait de passer de la vitesse réelle des astres à une vitesse accélérée commandée à la main, permettant de prévoir les positions des planètes ainsi que les éclipses, ou au contraire de rétrograder dans la marche du temps. Dans ce cas, une roue étoilée permettait de ne pas perdre la position initiale.
Des éléments et des fonctions restitués
L’étude du globe couronnant la pendule (restitution réalisée à Murano entre les années 1950 et 1970) nous a amenés à retrouver une demi-sphère ancienne (peut-être l’originale) en réserve. Celle-ci présente un profil plus adapté et, surtout, une qualité de verre supérieure permettant au visiteur d’admirer les détails du planétaire grâce à un étonnant effet de loupe.
Le cadran de l’horloge, avec son cerclage en bronze et ses vingt-cinq cartouches émaillés, a été intégralement démonté. La quatrième aiguille de la minute moyenne, reliée à la grande aiguille de la minute vraie (solaire) par le différentiel de l’équation du temps, a été réinstallée. L’une des révélations les plus enthousiasmantes a été de dégager, sur le disque tournant des phases de Lune, la peinture originale : le beau bleu azur du ciel ainsi que les étoiles et les lunes, totalement dissimulés depuis des années sous un récent et très mauvais repeint.

Restauration du disque des phases de la Lune. © EPV / Thomas Garnier
La restauration permettra peut-être de retrouver la fonction de thermomètre du balancier à compensation thermique, décrite par Dauthiau. En effet, la différence de dilatation des métaux qui le composent actionnait une aiguille, ne fonctionnant plus, indiquant les variations de température. Cette restauration est également l’occasion de vérifier les descriptions historiques de la pendule, notamment son autonomie remarquable de six semaines, obtenue grâce à un ingénieux système de mouflage4 des poids : par souci d’élégance, ces derniers ne descendaient que d’une vingtaine de centimètres (autre prouesse technique) afin de ne jamais dépasser des ornements de bronze.

Conditionnement des quatre aiguilles et des trois timbres de la pendule pendant le démontage. © EPV / Thomas Garnier
Cette grande restauration permettra enfin, nous l’espérons, d’entendre la sonnerie de la pendule de Passemant. L’horloge est ainsi pourvue d’une « grande sonnerie » marquant les heures et les quarts, et répétant les heures à chaque quart, ce qui représente près de huit cents coups par jour ! Elle possédait aussi deux systèmes qui seront rétablis, une sonnerie à la demande par tirage ainsi qu’un système jour-nuit : celui-ci permettait de la mettre « en mode silencieux » pendant douze heures afin d’éviter qu’elle ne sonne la nuit et ne dérange le roi, la pendule étant située à côté de sa chambre !
Hélène Delalex,
conservatrice en chef au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon
1 Exposition Louis XV, passions d’un roi, du 18 octobre 2022 au 19 février 2023.
2 Louis Courajod, Alexandre Lenoir, son journal et le Musée des monuments français, t. 1-2, Paris, H. Champion, 1878-1887, p. CXXII.
3 Procédé radiographique qui permet de réaliser un nombre plus important d’images à travers des coupes transversales.
4 Procédé d’allongement de la corde grâce à un système de poulies.
La pendule astronomique de Passemant est restaurée grâce au mécénat de Rolex France.
Cet article est extrait des Carnets de Versailles n°27 (octobre 2025 – mars 2026).
À VOIR
La pendule de Passemant lors de la visite guidée « Appartements privés des rois », tous les jours à 10 h, sauf le lundi et les jours fériés.
À ÉCOUTER
Le parcours audio « Le temps à Versailles » dédié aux pendules les plus admirables de Versailles dans l’application mobile du château