magazine du château de versailles

Le comte d’Artois :
Celui qui ne devait
pas être roi

Avec deux grands frères, le comte d’Artois, lui, n’était pas destiné à porter la couronne. Il fut pourtant roi de France sous le nom de Charles X,
de septembre 1824 à août 1830. C’est dans son château de Maisons,
en partenariat avec le château de Versailles, que sa jeunesse dorée
est évoquée par le Centre des monuments nationaux.

Salle d’exposition où est présenté le grand tableau de Charles-Philippe de France, comte d’Artois (1757-1836), par Antoine-François Callet, vers 1779, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. Le comte d’Artois est ici vêtu du costume de l’ordre du Saint-Esprit. © EPV / Thomas Garnier

Pour la première fois, une exposition se propose de mettre en lumière la figure aujourd’hui méconnue du comte d’Artois (1757-1836). Il s’agit pourtant de l’un des princes les plus importants de l’Ancien Régime, dernier des petits-fils de Louis XV. À sa naissance, il a déjà deux frères aînés : le duc de Berry, futur Louis XVI, et le duc de Provence, futur Louis XVIII. Rien, dans cette position de prince cadet, ne pouvait laisser supposer qu’un jour, il régnerait. Néanmoins, son éducation est prise très au sérieux par ses parents : on sait que le dauphin Louis de France et Marie-Josèphe de Saxe étaient très attentifs à l’enseignement reçu par tous leurs enfants.

Le Dauphin, fils de Louis XV, donnant la leçon à ses trois enfants [détail], par Charles Monnet, 1765-1770, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. © EPV / Christophe Fouin

Un cadet à cadrer
Depuis l’avènement des Bourbons, les cadets, dans la famille royale, sont toujours perçus avec ambivalence, voire avec crainte : à la fois proches du souverain et soutiens au trône, ils peuvent se révéler de terribles contre-pouvoirs. L’entourage royal tente donc de circonscrire les activités du jeune frère de Louis XVI. Quant à Marie-Antoinette, qui partage avec ce beau-frère préféré la passion du jeu et de l’opéra, sa mère l’impératrice Marie-Thérèse la met régulièrement en garde contre son influence néfaste.

Salle d’exposition consacrée aux débuts du comte d’Artois. © EPV / Thomas Garnier

Pour l’éloigner de toute velléité politique, on comble le comte d’Artois d’honneurs qui flattent un ego bien développé : d’abord chevalier de la Toison d’or en 1761, puis chevalier des ordres du roi dix ans plus tard, il devint colonel général des Suisses et Grisons en 1772. À l’instar de Maurepas qui lance au prince « Faites des dettes, nous les paierons ! », les ministres encouragent un penchant déjà ancré chez lui pour la dépense et la frivolité.

« Pour l’éloigner de toute velléité politique, on comble le comte d’Artois d’honneurs qui flattent un ego bien développé : d’abord chevalier de la Toison d’or en 1761, puis chevalier des ordres du roi dix ans plus tard,
il devint colonel général des Suisses et Grisons en 1772.
»

Se cherchant néanmoins un destin à la hauteur de son rang, le comte d’Artois ambitionne de briller sur les champs de bataille. Après le refus de Louis XVI de l’envoyer combattre les Anglais lors de la guerre d’indépendance américaine, il est autorisé à prêter main-forte aux Espagnols lors du siège de Gibraltar contre les Britanniques. Échec retentissant : le prince revient en France sans la gloire espérée. Dès lors, l’ambition militaire du comte ne trouvera d’expression que dans les décors des précieux intérieurs qu’il habite, à Versailles, à Bagatelle, à Maisons ou au Temple.

Marie-Thérèse de Savoie, comtesse d’Artois, dépeinte par Joseph Boze en 1785 et Marie-Thérèse de Savoie, comtesse d’Artois et ses enfants, par Charles Le Clercq vers 1780. Les deux œuvres appartiennent au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. © EPV / Thomas Garnier

Une position qui se consolide dans le mariage
En 1773, le comte d’Artois épouse la princesse Marie-Thérèse de Savoie (1756-1805) lors de grandes festivités, les dernières du règne de Louis XV. Malgré son statut de cadet, le couple voit sa position à la Cour rapidement confortée par la naissance d’un premier enfant en 1775. En effet, Louis XVI tarde à donner un héritier mâle à la Couronne et le comte de Provence n’a pas d’enfant non plus. Le couple Artois peut s’enorgueillir de l’arrivée du petit duc d’Angoulême qui prend la place enviée d’héritier du trône. En parallèle, le prince entretient des relations avec de jeunes et jolies courtisanes dont les gazettes narrent les développements, sans doute au grand bonheur du comte d’Artois qui apparaît ainsi comme l’antithèse de son royal frère.

Un prince mécène
La presse de l’époque se fait aussi l’écho des goûts du prince. L’exposition à Maisons permet de les montrer, notamment son intérêt pour l’architecture, son désir constant d’être à la mode et son attrait pour le luxe qui s’exprime dans l’ameublement de ses appartements.

Le comte d’Artois en habit de chasse, par Jean-Baptiste-Philibert Moitte, fin XVIIIe siècle, Amiens, musée de Picardie. © Amiens, musée de Picardie / M.P.977-6, photo Didier Cry

Fervent anglophile, le prince développe une passion pour les courses de chevaux venues d’outre-Manche ainsi que pour la chasse. C’est d’ailleurs en tenue de chasseur qu’il est représenté par Moitte dans une aquarelle d’une étonnante modernité.
Le comte d’Artois est, de plus, l’un des premiers membres de la famille royale à acquérir des tableaux de peintres français contemporains, faisant de lui un véritable mécène, aux goûts singuliers. Assez paradoxalement, lui qui incarne avec morgue les conceptions de classe d’Ancien Régime soutient des artistes révolutionnaires, tant pour leur style que pour leurs idées, à l’instar de Suvée ou de David.
Enfin, le prince réunit un important ensemble de curiosités, de naturalia et d’objets extra-européens qui constituent l’une des plus anciennes collections ethnographiques conservées en France.

Deux tatous naturalisés provenant des curiosités réunies par le comte d’Artois. © EPV / Thomas Garnier

De longues décennies d’exil
Le mode de vie fastueux du comte d’Artois apparaîtra de plus en plus en contradiction avec les efforts menés pour réformer le pays et réaliser des économies. Dès le lendemain de la prise de la Bastille, Louis XVI, conscient de l’impopularité de son frère, lui demandera de quitter la France : commencera alors une longue errance de près de vingt-cinq ans qui mènera le prince à travers l’Europe, de Turin à Bruxelles, en passant par Saint-Pétersbourg et Londres. À la chute de Napoléon, Louis XVIII occupera le trône jusqu’à sa mort en 1824. C’est seulement à l’âge de soixante-sept ans, après bien des péripéties, que le comte d’Artois prendra sa place sous le nom de Charles X. Mais la suite de ce destin appartient à une autre histoire.

Benoît Delcourte,
conservateur en chef au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

Cet article est extrait des Carnets de Versailles n°27 (octobre 2025 – mars 2026).


L’exposition à Maisons :
des œuvres versaillaises dont certaines ont retrouvé leur place

Minerve, médaillon, attribué à Jean-Antoine Houdon, 1770-1780, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. © EPV / Christophe Fouin

L’exposition donne l’occasion, tout d’abord, de contextualiser certaines œuvres du comte et de la comtesse d’Artois provenant de leurs appartements à Versailles qu’ils ne peuvent regagner, ces espaces ayant été largement modifiés par Louis-Philippe au moment de la création de la galerie des Batailles.
Les recherches préparatoires à l’événement ont aussi permis d’identifier, toujours dans les collections versaillaises, des sculptures provenant des campagnes de réaménagement menées à Maisons par le comte d’Artois. Pour ces œuvres conçues pour le château, l’atelier parisien AtoY a proposé une élégante scénographie dans son vestibule nord-ouest où elles pourront rester de manière permanente.


À VOIR

Exposition Le comte d’Artois, prince et mécène. La jeunesse du dernier roi de France
Du 14 novembre 2025 au 2 mars 2026
CHÂTEAU DE MAISONS

Pour accompagner cette exposition, le château de Maisons propose une programmation culturelle variée : visites libres, visites guidées, conférences avec des spécialistes, visites thématiques, visites chantées. Un livret-jeu conçu pour l’exposition sera disponible pour le public familial.

Billets et tarifs sur chateau-maisons.fr 


À LIRE

Le catalogue de l’exposition
Coédition château de Versailles / Éditions du patrimoine, collection « Regards », 96 p., 26 × 26 cm, novembre 2025, 16 €.

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