L’Opéra Royal continue de se déployer : lundi dernier, il réunissait,
lors d’une magnifique soirée de gala, la première promotion de sa nouvelle Académie, après deux années de formation.

La première promotion de l’Académie de l’Opéra Royal réunie lors d’un spectacle. © Château de Versailles Spectacles / Franck Putigny
Ils sont jeunes et beaux, le teint lisse et l’expression grave, entremêlant leurs voix sous l’imposant plafond de la galerie des Glaces. Celle-ci fut inaugurée en 1684, l’année même où Marc-Antoine Charpentier composait cet Actéon : quoi de mieux que ce petit opéra pastoral pour célébrer de nouveaux talents ?
« Marchons, courons, hâtons nos pas ! », chantent-ils avec entrain, mimant une joyeuse partie de chasse qui s’avèrera fatale. Sur les pleurs des violes de gambe sera dévoilé le sort d’Actéon, transformé en cerf par une Diane vengeresse et dévoré par ses propres chiens. Mais quel délice que de sentir le soleil décliner sur le Grand Canal, ses rayons s’adoucissant peu à peu à travers les miroirs, tandis que s’étire la plainte superbe du chœur !

Diane et ses nymphes surprises au bain par Actéon [détail], par Rembrandt, vers 1635, Museum Wasserburg Anholt. Source : Wikimedia Commons

Sarah Charles dans le rôle de Diane lors de la soirée de gala de l’Académie. © DR
Une formation sur le terrain de la scène
« Nous étions très émus de terminer ainsi cette formation en étant tous réunis, musiciens et chanteurs, telle une troupe, autour de cette œuvre à la fois gaie et tragique », raconte Sarah Charles qui incarnait avec éclat Diane, ce soir-là. Après le conservatoire, une licence de musicologie et trois ans à la Maîtrise Notre-Dame de Paris, la jeune soprano a été sélectionnée par l’Opéra Royal pour suivre master class et spectacles auprès des meilleurs artistes intervenant régulièrement à Versailles.
Chanteurs, instrumentistes, mais aussi danseurs sont ainsi invités à se perfectionner en participant aux multiples propositions offertes au public. Selon leurs profils, les uns ont été amenés à chanter dans l’Alceste de Lully conduit par Stéphane Fuget, dans l’Orfeo de Monteverdi dirigé par Jordi Savall, ou dans L’Enlèvement au sérail de Mozart avec Gaétan Jarry, mais également lors des nombreux concerts où les autres, avec l’Orchestre de l’Opéra Royal, ont aussi travaillé avec les plus grands chefs. « Cette Académie offre à tous l’opportunité d’apprendre directement sur scène, auprès de personnes expertes, comme Chloé de Guillebon, à la direction d’Actéon : elle sait tout de la façon dont il faut interpréter la musique baroque », explique Sarah.
Des situations variées pour bâtir son art
La jeune chanteuse souligne aussi l’importance des rencontres dans ce milieu où il est si difficile de percer. « Cette Académie permet à des artistes prometteurs d’expérimenter de nombreuses situations, et ils sont rémunérés », précise Laurent Brunner, qui a toujours eu à cœur de faire émerger de nouveaux talents. « Au départ, nous ne savions pas encore exactement comment nous allions les faire participer à nos projets, mais, finalement, ils ont été solistes dans plusieurs opéras et ont occupé tous les rôles, sauf le principal, de Didon et Enée », se félicite le directeur de l’Opéra Royal.

Le spectacle de Didon et Enée à l’Opéra Royal. © Château de Versailles Spectacles / Franck Putigny
C’est aussi une façon de disposer d’un vivier d’interprètes pour les nombreux programmes – Sérénades Royales, Fêtes galantes, Parcours du Roi, Journées du patrimoine – donnés dans le château, mais Sarah Charles témoigne du plaisir qu’elle a eu à faire découvrir son art à des visiteurs moins initiés qui, ensuite, peuvent s’aventurer à l’opéra.« C’est tout un espace de construction qui nous permet de développer ce que nous avons, chacun d’entre nous, envie de porter », poursuit la jeune femme qui évoque également la médiation culturelle dont ils ont été chargés dans cinq EHPAD à proximité de Versailles. Sarah parle d’une expérience très marquante, hors du temps, mais rythmée, avec un rendez-vous mensuel. « Une habitude s’est créée et, ce qui était très touchant, les résidents ont fini par reconnaître nos voix. » En attendant que ces voix soient reconnues au large, sur scène, à la radio, sur YouTube, et plus loin encore ?
Lucie Nicolas-Vullierme,
rédactrice en chef des Carnets de Versailles

Fin du spectacle de gala, le 16 juin dernier, dans la galerie des Glaces. © DR
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