magazine du château de versailles

Deux cultures
qui s’entremêlent

L’exposition La Cité interdite et le château de Versailles, présentée tout d’abord à Pékin1, a été ensuite accueillie au Hong Kong Palace Museum
où elle s’est achevée le 4 mai dernier. Elle célébrait ces échanges diplomatiques et culturels privilégiés entre la Chine et la France
aux XVIIe et XVIIIe siècles.

Salle de l’exposition, où sont confrontés Louis XIV et l’empereur de Chine. © Hong Kong Palace Museum

En 1964, le général de Gaulle est le premier chef d’État occidental à reconnaître la République populaire de Chine. Ce 60e anniversaire a été marqué en 2024 par une exposition remarquable au musée du palais, à Pékin, appréciée par 175 000 visiteurs. Ce fut l’occasion d’un dialogue intense entre les pièces du château de Versailles et celles conservées à la Cité interdite.
La nouvelle sélection d’œuvres dévoilée à Hong Kong, le 16 décembre dernier, en présence d’une centaine de journalistes internationaux, a prolongé l’exploration des liens artistiques étroits entre la Chine et la France, avec notamment quelques acquisitions inédites, effectuées dernièrement par le château de Versailles.

« Ce 60e anniversaire a été marqué en 2024 par une exposition remarquable au musée du palais, à Pékin,
appréciée par 175 000 visiteurs.
»

Attrait mutuel et respect réciproque
Depuis l’envoi, en 1685, des premiers jésuites par Louis XIV à la cour impériale de Kangxi en tant que mathématiciens du roi, les deux pays ont noué des relations de confiance, principalement dans les domaines artistiques, scientifiques et techniques. Cet attrait mutuel et ce respect réciproque perdurèrent jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. C’est ainsi qu’en France, on vit l’émergence d’un goût chinois avec l’importation – et parfois la transformation ou l’imitation – d’objets : porcelaines, mais aussi laques, bronzes, peintures… Cette curiosité partagée contribua à la naissance de la sinologie en France quand les empereurs chinois admiraient les connaissances scientifiques et le savoir-faire français.

Un face-à-face qui a pu surprendre
Cette exposition singulière confrontait les deux grandes cultures à travers des dispositifs muséographiques variés. Un premier face-à-face intervenait avec des objets symboliques : l’un des sceaux en jade de l’empereur Qianlong était mis en regard de la clef de la Chapelle royale de Versailles. Grâce aux projections de films immersifs sur les cimaises, le public était transporté tantôt dans la succession des cours et des pavillons de la Cité interdite, tantôt dans les enfilades des appartements du château de Versailles et les perspectives du parc et des jardins de Trianon.

Sceau en jade de l’empereur Qianlong mis en regard de la clef de la Chapelle royale dans l’exposition au Hong Kong Palace Museum. © Hong Kong Palace Museum

Peu après, l’une des versions du grand portrait d’apparat de Louis XIV, peint par Hyacinthe Rigaud, frappait les visiteurs asiatiques, plus habitués aux grandes tuniques traditionnelles des empereurs, magnifiquement brodées sur fond jaune, qu’au faste monarchique de la cour de France. Autre sujet d’étonnement : la prononciation du nom de l’auteur du tableau, qui s’avère difficile, voire impossible, en chinois ! Une dernière anecdote concerne l’ancienne production de porcelaine chinoise destinée à l’exportation, qui inonda le marché européen grâce au commerce de la Compagnie des Indes. Le décor répétitif du service aux armes de France commandé par Louis XV n’a pas laissé de surprendre par sa qualité de production, qui a été vue par les connaisseurs chinois comme moindre, en comparaison des fabrications réservées à l’Empereur.
Cette présentation a valorisé sans nul doute aussi la collaboration scientifique actuelle, entre les chercheurs du château de Versailles et ceux du musée du palais, qui a occasionné la mise en lumière de pièces jusque-là jamais étudiées et permis de relancer une si longue et fascinante histoire.

Vincent Bastien,
collaborateur scientifique au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

1 Lire Marie-Laure de Rochebrune, « Versailles à la Cité interdite », Les Carnets de Versailles, nº 24, p. 26.

Cet article est extrait des Carnets de Versailles n°26 (avril – septembre 2025).


À VOIR

L’Empereur de Chine Qianlong (1711-1799), attribué à Josse-François- Joseph Le Riche, dans le circuit de visite libre.

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