magazine du château de versailles

Une odeur
de XVIIIe siècle

Au fil des fouilles archéologiques menées par Annick Heitzmann à Marly, ce petit château où Louis XIV aimait convier ses plus proches courtisans
se dévoile pièce par pièce, tel un puzzle à assembler pour retrouver la vie qui l’anima au XVIIe siècle. Quelle est alors l’histoire de ce flacon
de parfum découvert intact, et encore rempli,
à un endroit plus qu’incongru ?

Vue au drone du 3e pavillon du Levant en fin de fouille (la fosse d’aisances est marquée par un rectangle ombreux). © Gédéon Programmes

Le domaine de Marly, qui était resté affecté aux chasses présidentielles après 1870, a été rattaché à celui de Versailles le 1er juin 2009. Cela offrit l’opportunité de reprendre les activités archéologiques interrompues en 1993. Après une année de fouille en 2013 à la Grande Cascade et au bassin des Nappes, un programme trisannuel a débuté en 2014, avec, notamment, la fouille intégrale d’un pavillon des invités : le troisième du côté du Levant. À l’origine, les douze pavillons encadraient les terrasses du jardin bas, le long des allées des portiques. Ils étaient tous bâtis selon un même modèle : des édicules cubiques de onze mètres de côté et de hauteur, à deux niveaux abritant chacun un petit appartement composé d’une chambre et d’un cabinet. L’emplacement du troisième pavillon du Levant était facilement repérable, sur la terrasse gazonnée qui surplombe l’allée est, grâce à une légère dépression située dans la visée de la margelle nord du bassin des Gerbes.

« Après une année de fouille en 2013 à la Grande Cascade et au bassin des Nappes, un programme trisannuel a débuté en 2014, avec, notamment, la fouille intégrale d’un pavillon des invités :
le troisième du côté du Levant.
»

En arrière du pavillon, à l’est, a été retrouvé l’aqueduc que l’on voit sur les anciens plans du réseau hydraulique. Il s’était probablement effondré avant la destruction du pavillon et a été comblé avec les matériaux issus de la démolition de celui-ci, mêlés à un important mobilier domestique. Il était relié au pavillon par deux pierrées qui recueillaient les eaux pluviales des toitures. Sur son côté sud, à l’emplacement du berceau de treillage qui menait au pavillon voisin, toutes les fondations de la première travée ont été retrouvées, dessinant la niche contiguë au bâtiment. Trois d’entre elles possédaient encore le bloc calcaire dans lequel étaient jadis fichés les arcs métalliques qui soutenaient le treillage.

Flacon en cours de dégagement dans la fosse d’aisances du 3e pavillon du Levant. © EPV / Annick Heitzmann

Flacon à parfum du XVIIIe siècle. © EPV / Didier Saulnier

Les parties affleurantes des fondations du pavillon ont été poursuivies à la main, de manière à en établir le plan complet. Celui-ci est constitué des quatre murs de façade et de deux murs de refend délimitant trois espaces intérieurs. Cependant, la structure principale des fondations du bâtiment reste sa fosse d’aisances, très vaste et profonde. À deux de ses angles, des départs de voussure indiquent qu’elle était voûtée. Elle n’avait pas été vidangée et le dépôt latrinaire datant de la dernière occupation du château, à la fin du XVIIIe siècle, a livré un abondant mobilier archéologique, notamment plusieurs belles pièces de faïence – plat, assiettes, aiguières, vases de nuit – et de verrerie : des verres à pied, des gobelets et un flacon de verre bleuté, de section carrée, qui, contrairement aux autres pièces, n’était pas brisé. Il possédait encore son bouchon de liège et était partiellement rempli d’un liquide jaunâtre. Ce liquide a fait l’objet d’une analyse scientifique qui a établi qu’il s’agissait d’un parfum d’ambiance ou d’un médicament, composé d’un mélange d’huiles essentielles1. Comment ce flacon s’est-il retrouvé là ? Alors que les objets que recèle le dépôt d’occupation des fosses d’aisances sont généralement déjà cassés avant d’être jetés dans les latrines, ce flacon était entier et contenait encore du parfum. Est-il tombé par inadvertance dans la fosse ? Ou peut-être que l’odeur du parfum ne plaisait plus…

Annick Heitzmann,
chargée de recherche en archéologie,
Centre de recherche du château de Versailles

1 Rapport d’analyse du Laboratoire Nicolas Garnier

Cet article est extrait des Carnets de Versailles n°10 (octobre 2016 – mars 2017).


INFORMATIONS PRATIQUES

Exposition La vie retrouvée à Versailles et Marly : 25 années d’archéologie royale
du 1er octobre 2016 au 5 février 2017 au Musée-Promenade de Marly-le-Roi / Louveciennes

Colloque
Auditorium du château de Versailles les 6, 7 et 8 octobre 2016


Le magazine Château de Versailles

Retrouvez l’intégralité de cet article et bien d’autres dans le numéro 23 du magazine Château de Versailles octobre-novembre-décembre 2016.
La revue est disponible en kiosque et sur la boutique en ligne du Château.

mot-clés

partagez

à lire également