Du 2 juillet au 28 décembre 1815, la ville de Versailles est occupée
par l’armée prussienne. Un article publié dans le dernier numéro
de la revue Château de Versailles : de l’Ancien Régime à nos jours
est consacré à cet épisode trouble. Extraits.

Combat de Rocquencourt le 1er juillet 1815 (1875, gravure), par Félix Philippoteaux. © akg-images
[…] Les Prussiens franchissent la Seine par le pont du Pecq et se dirigent vers Saint-Germain, qu’ils occupent le 30 juin. Napoléon a quitté Malmaison la veille, après s’être vu opposer un refus catégorique à son offre de prendre le commandement de l’armée présente sous Paris. Au matin du 1er juillet, une brigade de cavalerie commandée par le lieutenant-colonel von Sohr se présente devant Versailles qui n’a guère les moyens de se défendre, les troupes et la gendarmerie ayant quitté la ville. Une convention est signée qui leur ouvre la ville, en échange de la garantie des personnes et des biens. Les 750 hussards qui composent cette brigade prennent leurs quartiers sur la place d’Armes, tandis que leur colonel établit son quartier général à la mairie. Vers midi, il envoie trois patrouilles en reconnaissance dans les environs, puis, vers 15 heures, repart à la tête de sa brigade en direction de l’est pour s’approcher de Paris par le sud. Le maréchal Davout a, dans l’intervalle, été informé des mouvements de la cavalerie prussienne et il a donné l’ordre au général Vandamme d’engager le combat. Ce dernier envoie sur place le général Exelmans à la tête de 2 600 cavaliers. Vers 15h30, les premières escarmouches se produisent au carrefour des routes de Bièvres et de Versailles, à la hauteur des bois de Verrières. Les combats se poursuivent dans la plaine de Vélizy et aux abords de Villacoublay. La cavalerie française enfonce les hussards prussiens qui reçoivent l’ordre de se replier sur Versailles, où ils sont harcelés par des tirs de gardes nationaux en traversant la ville, tandis que la population manifeste sa joie à les voir s’en aller. Le colonel von Sohr a en effet décidé de se retirer vers Saint-Germain par Rocquencourt. Il tombe alors sur la colonne commandée par le général Piré, dont les chasseurs chargent les Prussiens, appuyés par le 44e régiment d’infanterie. Le désordre s’installe dans les rangs ennemis, les combats se poursuivant au Chesnay, où la population s’attaque également aux hussards. La brigade prussienne a perdu les deux tiers de ses hommes, dont 457 prisonniers parmi lesquels le colonel von Sohr lui-même, blessé. La bataille de Rocquencourt est cependant sans lendemain. Elle ne remet pas en cause la supériorité numérique des coalisés, qui poursuivent leur avancée dans les jours suivants, et obtiennent la capitulation de Paris le 3 juillet, mais elle reste néanmoins la dernière victoire remportée par les Français en 1815.

Les Troupes alliées cantonnées aux environs de Paris, juillet 1815, par Etienne-Jean Delécluze, 1815.
© RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot
Les Prussiens reviennent à Versailles le 2 juillet, à l’aube, par le boulevard du Roi, avec à leur tête le prince Guillaume de Prusse, Blücher arrivant en milieu d’après-midi. Ils sont particulièrement remontés contre la ville, menacée de saccage pour son attitude dans les combats de la veille. 60 000 Prussiens traversent la ville en deux jours. 28 000 s’y installent et bivouaquent dans les avenues, notamment sur le boulevard de la Reine. La pression est considérable pour une ville qui compte 25 000 habitants et voit ainsi sa population plus que doubler. Les mouvements sont incessants, Versailles sert de plaque tournante pour les troupes envoyées vers l’ouest. Il faut faire cuire des milliers de livres de pain pour satisfaire tous ces hommes, fournir 40 000 rations de fourrage. Finalement reste essentiellement le corps de Bülow qui se loge à l’hôtel de Séran. Puis des troupes d’artillerie anglaise s’installent également dans le Parc. La ville subit les exigences de ces troupes d’occupation, qui se comportent avec une rigueur beaucoup plus stricte qu’en 1814. Ainsi le 3 juillet, jour de la capitulation de Paris, tous les habitants sont sommés d’apporter leurs armes à la mairie, mesure qui concerne aussi les membres de la garde nationale, ce qui signifie que plus aucune force publique autochtone n’est en mesure d’assurer l’ordre dans la ville. La mesure est finalement rapportée quelques jours plus tard pour la garde nationale, devant la difficulté rencontrée par les Prussiens à maintenir la paix civile.
Mais les Prussiens veulent faire payer aux Versaillais leur participation aux combats du 30 juin. Les ateliers de la manufacture d’armes sont entièrement détruits et démontés. Une forte indemnité de 2 millions de francs est exigée du département de Seine-et-Oise, le paiement en étant garanti par les notables versaillais peu prompts à s’exécuter malgré les menaces physiques dont ils sont l’objet ; ils finissent par obtenir une réduction de 500 000 francs de la somme prévue. Mais cette somme n’est qu’une facette des contraintes suscitées par l’occupation. Si les troupes bivouaquent dans la ville ou ses environs, il faut les nourrir et assurer la livraison de plusieurs milliers de rations journalières. Les officiers sont pour leur part logés chez l’habitant. […] La pression est extrême, surtout pour les habitants aux revenus modestes chez lesquels il a fallu placer certains de ces officiers, et qui sont contraints également de les nourrir. La ville finit par organiser des distributions de vivres pour alléger leur fardeau. Le poids de l’occupation est aggravé par les exigences des différents corps d’armée qui harcèlent la ville pour d’incessantes demandes. L’afflux des soldats étrangers se traduit aussi par de nombreuses scènes de pillage dans les environs de Versailles, qui est l’un des secteurs les plus affectés de la région parisienne. Les violences physiques sont fréquentes. Des civils sont ainsi exécutés en pleine rue à Rocquencourt ou au Chesnay, au début du mois de juillet. Les viols sont également monnaie courante, même si tous sont loin d’être déclarés. La ville doit aussi gérer, dès le début du mois de juillet, un afflux de blessés et de malades prussiens, d’abord accueillis à l’hospice général. Puis, ce dernier s’avérant trop petit, les autorités décident d’aménager quatre nouveaux hôpitaux. Elles parviennent ainsi à éviter la diffusion des épidémies dans la ville. La mortalité est élevée. Les registres d’état civil de la ville de Versailles sont envahis, au mois de juillet, de déclarations de décès de militaires prussiens, le plus souvent anonymes. On en dénombre plus de 110. Ce sont autant de morts qu’il faut enterrer à la hâte.

Le chevalier de Comeyras arborant le drapeau blanc devant le château de Versailles,
le 4 juillet 1815. Dessinateur anonyme, 1815. © RMN-GP (Château de Versailles) /
Franck Raux
Versailles cherche toutefois à reprendre une vie normale. Les activités économiques redémarrent progressivement, tandis que des spectacles sont à nouveau donnés, mais on y croise beaucoup de Prussiens. Sur le plan politique, la ville s’est ralliée sans hésitation à la monarchie, les premières cocardes blanches réapparaissant dès le 4 juillet, tandis que le conseil décide de hisser le drapeau blanc le lendemain sur tous les édifices publics, la ville saluant le retour de Louis XVIII dans Paris le 8 juillet par une illumination générale le lendemain. Les fêtes religieuses sont également l’occasion de manifester l’union du trône et de l’autel, que ce soit l’Assomption le 15 août, ou surtout la Saint-Louis, le 25 août, qui permet à l’évêque de Versailles, Charrier de La Roche, ancien premier aumônier de Napoléon, de manifester son allégeance au roi.
Les mois de juillet et août, ont été particulièrement difficiles à vivre, avant une régularisation progressive en septembre. […] Enfin, le traité de Paris du 30 novembre, qui limite le nombre des troupes d’occupation à 150 000 pour l’ensemble de la France, permet de libérer Versailles qui voit les derniers occupants quitter la ville le 28 décembre 1815.
Jacques-Olivier Boudon,
professeur à l’université Paris-Sorbonne
Cet article est extrait des Carnets de Versailles n°7 (avril – septembre 2015).
La revue Château de Versailles
Retrouvez l’intégralité de cet article et bien d’autres dans le numéro 17 de la revue Château de Versailles avril-mai 2015.
La revue est disponible en kiosque et sur la boutique en ligne du Château.
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