Un almanach royal de 1752, au chiffre de « Louis le Bien-Aimé »,
qui allie luxe du décor, provenance prestigieuse et extrême rareté
vient d’entrer dans les collections du Château.

Almanach Royal pour l’année 1752, relié en maroquin blanc découpé, avec bordure florale mosaïquée de maroquin vert, rouge et orange. Attribué à Jacques-Antoine Derome, 1696-1760, relieur, et à André-François Le Breton, 1708-1779 éditeur.
Aux angles et au centre, en réserve, peintures miniatures polychromes. © Château de Versailles / Christophe Fouin
Au XVIIe siècle, un almanach royal est un calendrier gravé en planche, de grand format, illustré de scènes de l’actualité politique et militaire, et destiné à diffuser la grandeur et la puissance du roi et de la monarchie. Mais au XVIIIe siècle, l’Almanach royal, tout en conservant un calendrier, est un véritable annuaire de l’administration du royaume, recensant les membres des maisons royales et princières, mais aussi de toutes les institutions, ministères, parlements, clergés, les ambassadeurs, les banquiers… Le titre complet annonce d’ailleurs : Almanach royal, […] exactement supputé sur le méridien de Paris, où l’on marque les éclypses, le lever et le coucher du soleil, le mouvement de la lune, les jours de foires, le journal du palais, la demeure des messagers, le départ des couriers, le tarif des monnoies, et la liste des bureaux de Messieurs des finances et leurs départemens, avec ceux des Fermiers generaux, & autres particularitez. Le premier volume, de format
in-8o 1 qui ne changera pas, paraît en 1700 chez un éditeur privé, Laurent d’Houry, puis chez sa veuve et ses descendants. Il trouve rapidement un caractère officiel, et paraît, sous cette forme, jusqu’en 1792 ; il ne disparaît qu’en 1919 !
Les Almanachs royaux, suivis par la myriade des divers Almanachs, recueils de calendriers et de maximes, publiés dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, firent l’objet d’un véritable engouement de la clientèle aristocratique, et particulièrement de la cour, comme présents d’étrennes. Celui qui vient d’être acheté en vente publique porte une reliure mosaïquée particulièrement spectaculaire ; cette technique alliant des cuirs de différentes couleurs, agrémentés parfois de miniatures, de paillon ou de mica, est un véritable tour de force ; les plus grands relieurs, Pasdeloup, Derôme, Le Monnier, Dubuisson, y déployèrent leurs talents, à partir des années 1750, sur des pièces de luxe. On peut d’ailleurs attribuer celle-ci à Pierre-Paul Dubuisson, relieur du Roi à la mort d’Antoine-Michel Pasdeloup, en 1758 ; il alliait à la tradition héritée de son père d’habiller de somptueuses reliures à la plaque les Almanachs et Etrennes, un réel talent de peintre de miniatures et d’armoiries, en particulier.
Dans les angles des deux plats, petits cartouches peints aux armes de France, aux armes de Navarre,
au chiffre LBA, et aux symboles royaux des sceptre et main de la Justice.
© Château de Versailles / Christophe Fouin
C’est le cas ici : les écoinçons peints portent les attributs royaux, sceptre et main de justice, fleur de lys, blason de Navarre, et chiffre LBA, tandis que les plats sont ornés de deux médaillons peints, l’un aux armes de France, l’autre au chiffre LBA pour « Louis le Bien-Aimé ». Ce chiffre, bien plus rare que le double L couronné présent sur de nombreuses reliures et autres objets, fut composé à l’occasion du rétablissement du Roi en août 1744 à Metz, où il était tombé gravement malade dans les premiers mois de la Guerre de succession d’Autriche.
« Ces reliures somptueuses transformaient un livre ordinaire
en livre-objet, destiné aux présents de la famille royale. »
Plusieurs Almanachs royaux aux armes de Louis XV ou de Louis XVI, de Marie-Antoinette ou d’autres membres de la famille royale, figurent dans de prestigieuses collections, tout particulièrement étrangères. Les collections royales espagnoles, en particulier, possèdent une série d’Almanachs royaux français somptueusement reliés par les grands relieurs parisiens, aux armes royales d’Espagne, témoignant de la pratique du présent d’étrennes dans les autres cours européennes. D’ailleurs, un Almanach royal de la Biblioteca Real de Madrid, pour la même année 1752, est presque identique : même mosaïque de maroquin vert, rouge et bleu sur fond blanc, même réserve pour les cartouches, ornés des différentes parties du blason espagnol, et médaillons centraux aux armes de Ferdinand VI (1713-1759), arrière-petit-fils de Louis XIV, roi d’Espagne de 1746 à 1759, et au chiffre DF (pour Don Ferdinando). Ces reliures somptueuses transformaient un livre ordinaire en livre-objet, destiné aux présents de la famille royale. C’est donc un objet de luxe, un témoignage des pratiques de la cour, plus qu’un simple Almanach royal, qui entre aujourd’hui dans les collections du Château.
Elisabeth Maisonnier,
conservateur au Département des arts graphiques, musée national de Versailles et de Trianon
1 Ndlr : Le format In-Octavo résulte de l’opération de pliage de la feuille d’impression. La feuille était pliée trois fois, ce qui permettait d’obtenir 8 feuillets, soit 16 pages. Pour ce format, la taille obtenue variait donc légèrement, dépendant de la taille de la feuille de l’imprimeur.
Cet article est extrait des Carnets de Versailles n°7 (avril – septembre 2015).
SUR LE WEB
Le château de Versailles a souhaité mettre en ligne ses collections afin de les rendre accessibles au plus grand nombre.
Retrouvez l’Almanach royal ainsi que les chefs-d’œuvre du Musée sur le site des collections.