Récit des années de la Grande Guerre à Versailles. Grâce aux témoignages conservés dans les archives du Château et aux photographies
de la Bibliothèque nationale de France, une web série est à regarder gratuitement sur la chaine Youtube du château de Versailles.

Mission américaine, Versailles [4 mai 1918, statues des bassins du château de Versailles protégées contre les bombardements],
par Agence Rol, 1819. © Paris, Bibliothèque Nationale de France / Gallica / BnF
Chargés de l’administration du musée et du domaine de Versailles pendant la Première Guerre mondiale, le conservateur Pierre de Nolhac et l’architecte Benjamin Chaussemiche eurent à connaître une période unique dans l’histoire du château. Durant ces quatre années, nulle activité, ou presque, qui ne soit dictée par les événements. Des situations inédites allèrent même jusqu’à modifier l’aspect de Versailles ou détourner sa vocation. Le vaste domaine offre trop de possibilités, trop de ressources pour qu’elles ne soient exploitées au profit des circonstances. Dès les premiers mois de la guerre, jusqu’aux abords du Grand Canal, des terrains sont transformés en pâturages pour des troupeaux destinés à nourrir la population. En 1917 et 1918, on cultive des choux et des haricots sur les parterres du jardin de Le Nôtre. L’armée, massivement présente en cette ville de garnison qu’est Versailles, réquisitionnera plusieurs espaces. À l’automne 1915, le 1er Régiment du Génie installe un cantonnement de quatre-vingt-quatre lits dans la salle du Jeu de paume. Le caractère historique des lieux doit s’effacer devant les exigences du temps présent.

Concert donné au profit des amputés de la guerre 1914-1918 dans la galerie des Batailles du château de Versailles, 1915.
© TopFoto / Roger-Viollet
Pierre de Nolhac et Benjamin Chaussemiche répondent avec obligeance à une situation aussi exceptionnelle, conscients sans doute que le château de Versailles a, lui aussi, un rôle à jouer en cette période d’effort national. Ils n’en oublient pas moins leur mission de protection du patrimoine, agissant par exemple pour mettre les œuvres à l’abri lorsque le danger approche. En septembre 1914, Chaussemiche s’inquiète de voir apparaître dans le parc les tranchées de la ligne défensive de Paris, et implore dans un courrier à l’administration des Beaux-Arts que « ne soit sacrifié qu’à la dernière extrémité ce grand chef-d’œuvre de l’art français ».
La valeur historique de Versailles sera d’ailleurs également nécessaire à la guerre. L’évocation des grandes heures de l’histoire de France doit soutenir le moral des poilus qui viennent visiter le château. Les œuvres du musée représentant des batailles militaires sont prêtées pour des expositions à Paris ou à Londres. En sollicitant en juin 1918 une reproduction du tableau de Philippoteaux, « Bonaparte à la bataille de Rivoli » afin de la placer à bord, le commandant du navire « Le Rivoli » écrit à Pierre de Nolhac : « cette évocation de la victoire dont notre navire porte le nom nous aiderait à redoubler d’efforts pour nous montrer dignes de nos ancêtres de l’armée d’Italie ».
Versailles, lieu chargé d’histoire, lieu où s’écrit l’histoire, prendra finalement toute sa dimension le 28 juin 1919, jour de la signature du traité de Paix dans la galerie des Glaces, à l’endroit même où avait été proclamé l’empire allemand à l’issue de la défaite française de 1870.
Karine Mc Grath,
chef du service des archives
Cet article est extrait des Carnets de Versailles n°6 (octobre 2014 – mars 2015).

Versailles, soldats montés sur des motos pour voir l’arrivée des plénipotentiaires, par l’Agence Meurisse, 1919.
© Paris, Bibliothèque Nationale de France / Gallica / BnF
À VOIR
Web série de 4 épisodes : « Le château de Versailles pendant la Grande Guerre »
En partenariat avec la BnF, Gallica
Avec le soutien de Mission du Centenaire 14-18.