magazine du château de versailles

La galerie Louis XIV :
sous les regards
de la Cour

Très riche ensemble de peintures situées au 1er étage de l’aile Nord
du Château, la galerie du XVIIe siècle était fermée aux visiteurs depuis
une dizaine d’années. Après réaccrochage et restauration des œuvres,
elle vient d’accueillir les visiteurs des Journées Européennes
du Patrimoine 2014 et ouvre ses portes au public tous les week-ends
à partir d’octobre 2014, jusqu’en janvier 2015.

© Morgane Le Gall

La réouverture de la galerie du XVIIe siècle offre au visiteur un parcours dans l’univers des hommes et des femmes qui ont fait l’histoire de Versailles pendant le règne de Louis XIV. Dans une enfilade polychrome de salons aux murs tendus de velours, un accrochage de peintures abondant et soigneusement millimétré, révèle à chaque coup d’œil des visages célèbres. En plus de 170 œuvres, défilent devant nous Louis XIV (à tous âges), Mazarin, Colbert, le Grand Condé, Madame de Montespan, Turenne, Madame de Maintenon, Molière et bien d’autres, tous acteurs du moment de civilisation dont Versailles fut le creuset. Parmi une majorité de portraits, surgissent des formats cinématographiques qui nous rendent spectateurs de batailles, de mariages ou de réceptions officielles. D’autres toiles nous aspirent dans un univers d’allégories où les humains et les anges évoluent dans un bain de nuages et de lumières surnaturelles.

« Dans une enfilade polychrome de salons aux murs tendus de velours, un accrochage de peintures abondant et soigneusement millimétré, révèle à chaque coup d’œil des visages célèbres. »

Le charme de cette galerie tient aussi à son histoire. C’est ici, à l’étage de l’aile du Nord, que vivaient les princes, princesses et courtisans ayant le privilège d’être logés non loin du Roi. La hauteur des plafonds, les fenêtres ouvrant sur les parterres, témoignent de la fonction initiale de ces pièces dont les aménagements et les décors furent démolis lorsque Louis-Philippe transforma à partir de 1833 une partie du Château en musée de peintures racontant l’Histoire de France. À l’atmosphère des anciens appartements disparus vient s’ajouter celle des débuts de la muséographie, dans une France des années 1830 où l’Histoire devient discipline scientifique et source d’inspiration pour les artistes. Les conservateurs ont respecté cet héritage avec une disposition des œuvres qui évoque l’accrochage « à touche-touche » en vogue à l’époque. La présence, de salle en salle, d’un mobilier varié ajoute une touche de chaleur et d’intimité qui fait de cette galerie un agréable lieu hybride, à mi-chemin du musée et de la demeure royale.

Troisième salle de la galerie où sont présentés les personnages de la Cour au début du règne de Louis XIV : femmes de l’aristocratie, favorites, secrétaires d’Etat et grands militaires. © Morgane Le Gall

Le premier chapitre de cette découverte s’ouvre par l’enfance de Louis XIV, devenu roi à cinq ans en 1643. Sous le regard tutélaire d’Henri IV, grand-père de Louis XIV, on remarque les portraits du cardinal Mazarin, de Louis XIII et de son épouse Anne d’Autriche. Celle-ci, épaulée par Mazarin, assura la protection et l’éducation du jeune Roi pendant la Fronde, violente opposition parlementaire, bourgeoise et aristocratique qui explose en 1648. La ténacité de la reine est magnifiée dans une grande Allégorie de la Régence d’Anne d’Autriche. La salle suivante nous emmène dans le fracas des premières campagnes militaires du règne grâce à la virtuosité du peintre Van der Meulen dont le pinceau séduisant, clair et lumineux n’en restitue pas moins la vérité documentaire des batailles : Prise de Luxembourg, Vue de la ville de Lille assiégée
À ne pas manquer aussi, un petit portrait représentant le vicomte de Turenne, grand chef de guerre immortalisé par un autre grand homme, Charles Le Brun, premier peintre du Roi. Un accueil étourdissant nous attend dans la salle de la « Cour en début de règne » avec un alignement de portraits de femmes, accrochés très haut, qui semblent observer le visiteur depuis un balcon. Cette mise en avant n’est pas gratuite. Aux côtés des ministres et des militaires, les dames de la Cour ont joué un rôle qui a parfois dépassé la simple animation mondaine. Dans la salle voisine, la densité et la rectitude de l’accrochage nous impose un bataillon d’artistes de l’Académie royale de peinture et de sculpture. On contemple ici une infime partie de l’armée de talents dont le Roi disposait pour glorifier son règne en images. Parmi les portraitistes (et les portraiturés) voisinent des « stars » comme Largillière, Rigaud ou Le Gros et des oubliés au talent incontestable.
Qui aujourd’hui, hormis les spécialistes, se souvient d’André Bouys ou de Nicolas Belle ?

Allégorie de la reconnaissance du duc d’Anjou comme roi d’Espagne, novembre 1700, par Henri de Favanne, 1704, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. © RMN-GP (Château de Versailles) / Droits réservés

Après les artistes, on passe au domaine politique, dans une pièce dominée par le noir des vêtements : la couleur de la dévotion, mais aussi du pouvoir des grands commis de l’État. On y reconnaît Madame de Maintenon, l’épouse secrète du Roi. En toute logique, cette femme de pouvoir est accompagnée ici par de grands ministres : Colbert, Pontchartrain, d’Aguesseau… Dans la salle suivante, la famille du Grand Dauphin rayonne sur une très grande toile de Pierre Mignard, chef-d’œuvre de somptuosité et de tendresse, qui figure jusqu’en 1700 dans la chambre de la Reine. Un peu plus loin, les scènes diplomatiques de « La France et l’Europe » encadrent de surprenantes allégories mêlant l’iconographie chrétienne et antique. Ces peintures célèbrent la révocation de l’Édit de Nantes et la reconnaissance du duc d’Anjou, neveu de Louis XIV, comme roi d’Espagne. Deux moments importants du règne qui entraînent l’exil des élites protestantes et la guerre de Succession d’Espagne. À observer sur le mur de droite, la dernière réception diplomatique de Louis XIV, quelques mois avant sa mort : dans l’une des rares figurations de l’intérieur du Château qui nous soient parvenues, on y reconnaît une galerie des Glaces chargée d’étoffes et de tapis pour l’accueil de la délégation de Perse.

Louise-Marie-Anne de Bourbon, dite mademoiselle de Tours, par Pierre Mignard, 1681-1682, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. © Château de Versailles, Dist. RMN / Christophe Fouin

Changement de registre avec la salle des « Princesses royales » où les meilleurs portraitistes ont immortalisé les princesses du sang qui résidèrent au Château. Pierre Mignard le fait avec sa délicatesse habituelle dans le célèbre portrait de la petite mademoiselle de Tours, fille légitimée du Roi et de Madame de Montespan. L’enfant tient une paille d’où éclot une bulle de savon : un symbole de la fragilité de la vie qui évoque la mort de la petite fille à l’âge de six ans. Face à elle, en contraste frappant, se dessine la massive silhouette de la belle-sœur du Roi, la
« Princesse Palatine », âgée d’une soixantaine d’années. Le portrait sans flatterie de Rigaud rend justice à cette femme célèbre pour son intelligence et son esprit corrosif. Toute la largeur de la pièce est occupée par le mariage du duc de Bourgogne (petit-fils du Roi et père de Louis XV), une vaste et belle scène qui autour d’un Louis XIV central, abonde en visages illustres de la famille royale.

Après le palier suivant, Le Roi en guerre nous offre le dernier portrait équestre de Louis XIV en chef d’armée. Pierre Mignard crée le mouvement nécessaire à la glorification martiale du monarque par la torsion du buste, l’animation de l’écharpe blanche et la traditionnelle position cabrée du cheval. Quel choc, lorsqu’on se trouve ensuite face au profil en relief de ce même Roi, une œuvre en cire de 1705 probablement réalisée à partir de prises d’empreintes ! On dévisage ici un sexagénaire aux traits marqués par l’âge. Malgré l’usure du pouvoir, l’expression demeure empreinte de noblesse, de détermination, et même d’une certaine dureté.

En conclusion de ce parcours, la dernière salle rend hommage aux sciences. Sur les 6 mètres de largeur du tableau de Testelin, nous assistons à l’Établissement de l’Académie des sciences et fondation de l’Observatoire, en 1666, portrait de groupe de l’élite savante de l’époque. Autour du Roi et de Colbert figurent Huygens, Cassini, Claude Perrault, l’abbé Mariotte, Duhamel… En contrepoint de cette figuration officielle, les autres murs ouvrent de profondes et verdoyantes perspectives sur les résidences royales satellites de Versailles, où Louis XIV aimait aller trouver le délassement, loin des obligations chronométrées de la Cour.

Établissement de l’Académie des sciences et fondation de l’Observatoire, peint par Henri Testelin et Charles Le Brun, 1673-1681, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. © Château de Versailles, Dist. RMN / Jean-Marc Manaï

Fin de la visite. Changement d’ambiance. Les yeux encore emplis de centaines de visages, de gestes et de costumes, on entre dans le décor minéral du vestibule de la Chapelle. Le moment est venu de partir à la découverte du palais sur les traces de tous ceux avec lesquels on vient de dialoguer en silence, par le regard.

François Appas

Cet article est extrait des Carnets de Versailles n°6 (octobre 2014 – mars 2015)


À VOIR

Ouverture des salles Louis XIV tous les week-ends à partir du mois d’octobre 2014 et jusqu’en janvier 2015.


POUR APPROFONDIR

Visites guidées :
Louis XIV et la création de Versailles

Les 1er, 4, 9 et 12 octobre, les 5, 15 et 21 novembre, les 9 et 12 décembre, le 8 janvier, les 3 et 14 février, les 4 et 12 mars.

Visites en famille :
Savoir-vivre chez le roi
Le 28 octobre.

Le Roi et sa famille
Le 18 et 21 octobre, le 31 décembre.

mot-clés

partagez

à lire également